Compostage du fumier - Biowall'Innov

Compostage du fumier - Biowall'Innov

José Wahlen - Auteur technique

Le processus 

Le compostage est une technique qui consiste à aérer des matières organiques solides stockées en andain et favoriser ainsi les conditions de stockage et une dégradation de cette matière, grâce à l’activité de micro-organismes aérobiques.

Cette biotransformation entraîne à la fois leur décomposition et leur humification, et elle se déroule en deux phases : 

  • Une phase de dégradation active : 

Suite au passage d’un retourneur d’andain, le volume du tas augmente dans un premier temps d’environ 30 %. Au cours de cette phase, la température s’élève jusqu’à 65-70°C et redescend ensuite à la température ambiante Cette phase qui, pour les fumiers de bovins, dure ± un mois, s’accompagne d’importantes modifications chimiques et biochimiques; plus de la moitié des matériaux de départ change de composition. La masse et le volume se réduisent de ± 50 %, par dégagement de CO2 et de vapeur d’eau.

Grâce à l’activité microbienne et ces températures élevées, la matière est assainie, les germes pathogènes sont détruits et le pouvoir germinatif des grains d’adventices est réduit. Le compostage va de pair avec une homogénéisation du tas, ce qui facilité l’épandage par après. On observe également une concentration en nutriments.

  • Une phase de maturation lente :

Pendant cette étape, l’humification se poursuit en même temps que la minéralisation de la biomasse microbienne.

 

La phase de dégradation active est celle recherchée dans la plupart des cas et son résultats est un compost jeune, optimal pour être épandu en prairie et terre de cultures. Il s’agit d’une matière organique toujours facilement dégradable par les organismes du sol qui - au delà d’apporter des nutriments – peut augmenter les teneurs en humus du sol. 

Lorsque la température dans le tas se rapproche de la température ambiante, on considère cette phase comme étant terminée et il n’est pas opportun de laisser un tas de compost longtemps stocké dehors, ce qui augmenterait les pertes de nutriments. 

On distingue ainsi le compost jeune, qui a subi cette phase de dégradation intense et dont la température est redescendue, et le compost mûr qui, après une maturation prolongée, a une odeur de terreau, est friable et ne permet plus la reconnaissance des matériaux d’origine. Il y a lieu de souligner que le fumier simplement déposé en bordure du champ n’évolue pas en compost, même après un séjour prolongé, car les conditions indispensables d’aérobiose n’y sont pas remplies. Au contraire, des fermentations provoquent la formation de composés néfastes et malodorants, et l’émission de méthane.

Afin de réussir au mieux le compostage, quelques aspects sont à respecter :

  • la présence d’oxygène est indispensable pour le compostage, les besoins en oxygène sont très importants pour déclencher la décomposition; c’est ce qui justifie le passage du fumier dans les moulins d’un épandeur ou d’un retourneur d’andains ;

  • le fumier doit être suffisamment structuré afin de maintenir les conditions d’aérobiose et garder la matière stockée en tas. La structure du tas est assurée par la paille/litière dans le tas. Le manque de structure ne permettra pas un bon déroulement de la décomposition. La quantité de paille à apporter comme litière est fonction du type d’animal, des caractéristiques de son alimentation et du type d’étable; il faut en prévoir de 5 à 8 kg par UGB et par jour ;

  • une humidité optimale de 25 à 50 % est nécessaire : lorsqu’un fumier est trop sec, (fumier de cheval, fumier très pailleux), on peut l’humidifier en ajoutant de l’eau ou même du lisier pendant le retournement d’andain. Un fumier trop humide (fumier mou) ne convient pas pour un compostage. Il ne tient pas en tas et favorise l’anaérobiose et les pertes par des jus d’écoulement ;

  • caractères physico chimiques : le rapport C/N se situe idéalement entre 20 et 30.

Teneurs en nutriments et fractions azotées du compost 

Les teneurs moyenne du fumier composté sont de 6 unités N, 4,1 unités P2O5 et 8,7 unités K2O par t de produit frais (source Requasud). Pour l’azote, on attribue au compost un coefficient d’efficacité de 0,75 par rapport au nitrate d’ammonium. Le phosphore et le potassium des fumiers compostés sont entièrement disponibles et équivalent à ceux apportés par les engrais minéraux.

Le compost est une matière organique à action lente. Maximum 5 % de l’azote du compost est présent sous forme d’ammoniaque (N-NH4), soit environ 0,4 kg/t, avec un effet immédiat sur la croissance des végétaux. Cette fraction d’azote ammoniacal est inférieure comparé au fumier frais, étant donné que le compostage est responsable d’une consommation voir même une volatilisation de cet azote ammoniacal. Le reste de l’azote y est présent sous forme organique dont 25 % sera minéralisé pendant la 1ère année après épandage. Le reste de cet azote organique, soit 70 %, sera disponible après minéralisation les années après l’épandage.

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Tableaux comparatif des compostions de fumier de bovin frais et composté - crédit Agraost
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Trois semaines à un mois après le retournement des andains, le compost sera épandu afin de profiter pleinement des éléments fertilisants qu’il renferme ainsi que de l’effet stimulant sur l’activité biologique du sol : accélération de la décomposition des matières organiques fraîches telles que les résidus de culture. Un compost surmaturé n’a plus cet effet. Cette utilisation d’un compost jeune permet de réduire les surfaces consacrées à sa confection. 

Avantages et enjeux du compostage 

S’il est bien pratiqué, le compostage présente de nombreux avantages pour une exploitation :

  • Hygiénisation et assainissement de la matière: destruction des pathogènes et réduction du pouvoir germinatif de grains d’adventices (rumex,...),

  • Réduction possible de la durée de stockage au champ et donc diminution des pertes de nutriments azotées et de la production de gaz néfastes, comparé à un stockage de plus longue durée au champ,

  • Homogénéisation, dosage précis et bonne répartition de la matière épandue,

  • Suppression des mauvaises odeurs et possibilité d’épandage avant pâturage,

  • Diminution de la masse et du volume du tas et concentration en nutriments,

  • Application toute l’année dans le respect de la législation (PGDA4), avec une interdiction d’épandage en zone vulnérable du 01/10 au 15/11.,

Si le compostage des fumiers entraîne un travail supplémentaire pour la mise en place des andains, la réduction des volumes et masses pendant le processus permet un gain de temps important à l’épandage.

Il y a malgré tout lieu de citer quelques défis liés au compostage :

  • Nécessite l’intervention de matériel spécifique (retourneur d’andain) ;

  • Des conditions de réussite sont à respecter ;

  • Le risque de pertes de nutriments est d’autant plus élevé que le stockage sur sol perméable se poursuit ;

  • Le compostage demande une organisation de travail : synchroniser mise en tas, passage du retourneur d’andain et épandage en quelques semaines ;

  • Il faut absolument éviter les corps étrangers (ficelles, pierres,…) et respecter des dimensions du tas : hauteur optimale 1,5 m et largeur maximale 5 m et garantir une accessibilité du tas.

Il faut éviter de stocker les composts trop longtemps à l’extérieur, étant donné que des pertes importantes de potassium peuvent survenir lors de stockages prolongés. Veillez à également respecter la législation en vigueur, en Région Wallonne le PGDA 4, qui autorise une durée maximale de stockage sur sol perméable de 9 mois.

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Calendrier des manipulations d'un compost - Source Institut de l'élevage
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Valorisation du compost en terre de culture et prairie

En terre de culture, l’efficacité de l’azote des fumiers compostés est la plus élevée pour les apports de printemps. Les apports en cultures avant « culture intermédiaire piège à nitrate (CIPAN) » ont un effet azote très faible et ne constituent pas une bonne pratique.

En prairie exclusivement pâturée, les besoins en P, K, Ca, Mg, Na et en oligo-éléments sont couverts par un apport annuel de 10 tonnes de fumier composté par ha (Limbourg P. 1997). En système de « fauche-pâture », la dose doit être augmentée pour compenser les exportations. L’efficacité de l’azote apporté est d’environ 30 % la première année mais avec les arrière-effets cumulatifs, on arrive pratiquement à 100 % après 10 ans. En prairie de fauche, les besoins nutritionnels de la prairie peuvent être entièrement couverts par des apports de fumier composté (de 30 à 40 tonnes en fonction de la production). De plus, ce système de fertilisation garantit une bonne composition floristique de la prairie et une bonne résistance à la sécheresse.

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Compost épandu 20t / ha -crédit Agraost
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Épandage de 25t/ha de compost en prairie


 

 

Conclusions

Le compost de fumier est un produit stabilisé et homogène; sa structure grumeleuse en facilite la répartition. C’est un autre produit, tant par son aspect que par ses caractéristiques, que le fumier pailleux initial. 

Les pertes en éléments fertilisants sont réduites aussi bien au stockage qu’à l’épandage. Le compost est assaini, il contribue donc à maintenir la flore adventice dans des limites acceptables. Mieux, il évite le salissement des terres et prairies. Lors de son épandage, le compost ne dégage pas d’odeur désagréable, ce qui est positif pour le voisinage. 

La pratique du compostage du fumier suffisamment pailleux permet une excellente valorisation des déjections animales et autres matières organiques produites à la ferme. Elle permet d’appliquer le fumier sur l’ensemble des cultures et sur les prairies pâturées, au meilleur moment et à la dose optimale. 

Le compostage concilie à la fois les intérêts de l’agriculteur et les impératifs de protection de l’environnement par la réduction des risques de pollution. Grâce au matériel actuellement disponible, il ne présente pas de difficultés pratiques de mise en œuvre. 

Enfin, grâce à sa meilleure répartition dans l’espace et dans le temps, le compost évite la surfertilisation de certaines parcelles et conduit à une meilleure valorisation des engrais de ferme.

 

Image en en-tête: Retourneur d'andain en action