Les gloeosporioses, principales maladies fongiques de conservation de la pomme et de la poire
Les gloeosporioses, principales maladies fongiques de conservation de la pomme et de la poire
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1. Introduction
Au sein des maladies fongiques de conservation (maladies se développant durant le stockage des fruits), touchant les pommes et les poires, le groupe des « gloeosporioses » est le plus répandu en Europe occidentale. Cette dénomination regroupe plusieurs espèces qui se développent à partir des lenticelles des fruits. Trois espèces principales de Neofabraea font parties de ce groupe : N. alba, N. malicorticis et N. perennans. En Belgique, N. alba est la principale espèce rencontrée. Ce pathogène est également présent en France, en Italie et dans le sud de l'Allemagne.
2. Symptômes des dégâts de la gloeosporiose
La gloeosporiose est responsable de l'apparition de taches sur les fruits. Il s’agit de taches lenticellaires, rondes ou ovales, marrons uniformes ou parfois un peu plus claires au centre. Les lésions sont bien délimitées et ont un diamètre d’environ 31 mm ±12 mm. Les fruits affectés peuvent devenir mous et pourrir.

N. alba provoque des pourritures après minimum 3 mois de stockage des pommes à 2- 3°C. Les premiers symptômes apparaissent généralement à partir de décembre – janvier (froid normal) ou à partir de février – mars (atmosphère contrôlée).
3. Biologie et cycle de vie du pathogène
Neofabraea alba est un parasite latent, dont l’infection a lieu au verger, surtout durant le mois qui précède la récolte.
3.1. Source d'inoculum
Neofabraea alba est un champignon naturellement présent dans le verger, sous forme de mycélium hébergé par des chancres ou des fissures de l’écorce. N. alba ne produit pas de chancre, mais peut s’installer dans des chancres existants. Sur les pommiers, on trouve des spores également dans les bourgeons dormants pendant l’hiver, entre les écailles. N. alba peut être hébergé par d’autres hôtes que les pomoïdées, présents dans l’environnement : chênes, frênes, viorne, houx, ronces.
3.2. Infection
La phase asexuée de N. alba (avec production de conidies, spore assurant la multiplication asexuée des champignons) semble être la seule responsable des contaminations. Les spores sont produites à partir du mycélium présent dans les fissures des écorces, et il semblerait que ce soit toute l’année, permettant ensuite l’entretien de l’inoculum dans le verger, avec deux périodes d’activité : au printemps (mars à juin) et en fin d’été et automne (août à novembre), la deuxième étant la plus importante.
Les spores germent dans les lenticelles assez rapidement : 5 heures d’humectation sont suffisantes. Une fois le champignon installé, il entre en latence pendant les premiers mois de stockage. Les lenticelles sont plus réceptives au fur et à mesure que l’on s’approche de la récolte. Si la période de récolte est tardive en automne, les conditions météorologiques durant le mois qui précède la récolte seront plus humides qu’en été et seront donc plus favorables à l’infection. Le champignon reprend son activité après plusieurs mois de stockage, variable selon les variétés : de 2-3 mois à 4-5 mois Seules les infections tardives proches de la récolte sont susceptibles d’entrer en latence pour développer des maladies de conservation, les autres étant responsables de maladie estivale. Les fruits nécrosés et chutés avant la récolte interviennent dans le cycle comme source d’inoculum.

4. Sensibilité variétale
Comme N. alba semble notamment pénétrer dans le fruit au moyen des lenticelles qui parsèment leur surface, la sensibilité des fruits est étroitement liée à la réceptivité de celles-ci. Les lenticelles se forment à partir de juillet et sont réceptives au champignon dès leur formation et jusqu’à la cueillette.
Les variétés de pommes cultivées en Belgique présentent des niveaux de sensibilité aux gloeosporioses variables. La sensibilité variétale aux gloeosporioses est d’origine génétique.

Cependant, d’autres facteurs sont connus comme favorisant la sensibilité à cette maladie :
- La durée de conservation : seules les variétés destinées à une longue conservation seront potentiellement sensibles, puisque la maladie n’est généralement pas responsable de pertes notables avant janvier (sauf Colletotrichum, qui peut apparaître de façon plus précoce);
- La période de récolte : si la variété est tardive, les conditions météorologiques durant le mois qui précède la récolte seront plus humides en automne qu’en été et seront donc plus favorables à l’infection;
- La forme des lenticelles jouerait un rôle d’après certains auteurs : les variétés présentant une jonction épiderme-liège solide seraient un obstacle à l’installation des spores ; l’épaisseur du liège n’aurait qu’un rôle accessoire;
- Le nombre de lenticelles réceptives par unité de surface;
- L’aspect de l’épiderme : les épidermes rugueux pourraient retenir les spores véhiculées par l’eau de pluie.
4. Facteurs favorisant la gloeosporiose
La production des conidies serait favorisée par les températures fraîches : elle aurait lieu lorsque la température minimale descend en dessous de 10 °C. Le processus d’infection des fruits est encore mal connu. Cependant, il est aujourd’hui établi que la pluie joue un rôle prépondérant dans le transport des spores. Les observations faites depuis plusieurs décennies montrent qu’en absence de pluie, il n’y a pas de cas d’infection par N. alba.
5. Méthodes de protection
La protection contre les gloeosporioses repose essentiellement sur des traitements en pré-récolte. La principale technique alternative est le traitement à l’eau chaude en post-récolte.
5.1. Interventions en pré-récolte
En agriculture conventionnelle, les traitements de pré-récolte sont effectués avec des positionnements allant de 5-6 semaines à quelques jours avant récolte, en moyenne 3 applications. Il est recommandé de limiter les traitements aux périodes à risque: avant une pluie, et de manière préventive. Certaines substances anti-tavelure ont des effets secondaires sur les « gloeosporioses ». En agriculture biologique, il n’existe pas à ce jour de produit reconnu efficace et les produits anti-tavelure appliqués durant le printemps et l’été n’ont qu’un effet limité sur cette maladie.
Des formulations à base d’argiles calcinées (Mycosin) ou d’un activateur de défense naturelle (Vacciplant) ont été testées au Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W). Puisque le processus d’infection a lieu au verger sur les fruits en pré-récolte, ces produits doivent être appliqués au verger durant l’été et avant la récolte. Le Mycosin est disponible comme engrais foliaire, le Vacciplant est un produit de protection autorisé d’usage en Belgique et en AB. Ces deux produits sont autorisés dans d’autres pays européens pour lutter contre d’autres maladies en AB. Les essais menés au CRA-W montrent que six applications au verger d’une argile calcinée (Mycosin) permettent de retarder d’environ un mois le développement des gloesporioses sur les fruits de variétés très sensibles observés après quatre mois de conservation en frigo à 2°C. Le Vacciplant ne retarde pas significativement la maladie. L'expérience montre que l’application de ces produits au verger ne suffit pas à elle-même et devra éventuellement être utilisée comme méthode complémentaire à d’autres moyens de protection.
5.2. Interventions en post-récolte
- Traitement à l’eau chaude : L’eau chaude est efficace contre les gloeosporioses, par trempage ou douchage. Le temps d’exposition optimal est de 2 à 3 minutes. La température de l’eau est comprise entre 48 et 52°C, mais doit être affinée selon les variétés à traiter. L’adjonction d’eugénol (huile essentielle de clou de girofle) améliore l’efficacité de l’eau chaude en réduisant les risques de brûlures sur les variétés sensibles à la température. Le délai entrée/sortie donne un débit des machines de trempage de 20 palox à l’heure. L’intérêt est limité aux petites structures ou aux petits lots (production biologique par exemple).
- La conservation en très basses teneurs en oxygène (ULO - Ultra Low Oxygen, ACD - Atmosphère Contrôlée Dynamique) tend également à réduire l’expression de ces maladies.
- La méthode de stockage en module Janny MT. Les pallox Janny MT (dit Mat Tiempo) sont des modules individuels permettant de stocker environ de 300 kg de fruits. Ces modules permettent de réguler de façon naturelle les teneurs en oxygène et en dioxyde de carbone afin d’améliorer les conditions de conservation. C’est un moyen alternatif au stockage en chambres froides industrielles types ULO conçues pour de gros volumes. Comme il l’a été démontré dans une expérience pluriannuelle menée dans la cadre du programme TransBioFruit, le stockage des pommes en palox Mat Tiempo a permis de réduire de plus de 50% l’incidence des gloeosporioses sur trois variétés sensibles après quatre mois de stockage.
5.3. Prophylaxie
On ne connait pas de méthode prophylactique pour N. alba.
Pour les autres espèces de champignons pathogènes, il est recommandé : (i) de couper et de détruire les chancres lors de la taille : N. perennans / N. malicorticis, Neonectria ; (ii) de veiller à ne pas laisser de momies au sol, en les broyant par exemple avec les feuilles lors de la prophylaxie tavelure : Colletotrichum, Neonectria.
5.4. Méthode innovante permettant d’optimiser la date de récolte
La récolte des pommes au stade optimal de maturité permet de minimiser les pertes durant le stockage et de maximiser la qualité des fruits après conservation. Différentes méthodes d’observation des fruits basées sur la spectroscopie ont été testées dans le cadre du projet Qualipomme pour évaluer les stades optimaux de récolte, c’est-à-dire ni trop tôt, ni trop tard. L’avantage de ces méthodes innovantes sont qu’elles sont non‐destructives. Elles ont permis de déterminer les paramètres liés à la maturité des pommes et le stade optimal de récolte en fonction de la variété de pomme.
Remerciement à Laurent JAMAR (CRA-W) pour la relecture de la fiche et les photos.