Mildiou de la pomme de terre

Mildiou de la pomme de terre

Marie Moerman - Auteur

I - Introduction

Le mildiou de la pomme de terre, également connu sous le nom de Phytophthora infestans, est l'une des maladies les plus destructrices affectant entre autres les cultures de pommes de terre dans le monde entier. Le mildiou peut entraîner des pertes de rendement pouvant aller jusqu’à 80% de la récolte, voire dans certains cas la totalité de la récolte. N’oublions pas que le mildiou de la pomme de terre a été à l’origine de la grande famine de 1845-1849 en Irlande.

La recherche a depuis longtemps étudié les méthodes permettant d’améliorer la lutte contre cette maladie, notamment en élaborant un système capable d’identifier, lors de la saison de culture, les périodes les plus favorables pour les infections. Plusieurs recherches ont été menées, visant notamment à évaluer le comportement des variétés face au mildiou, de manière à affiner les décisions de traitement issues de l’application de modèles. Des nouvelles pratiques de protection ou culturales visant à réduire l’impact de la maladie ont été proposées, des alternatives à l’utilisation du cuivre ont été identifiées. Depuis 2005, des variétés robustes au mildiou ont été créées.

 

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Impact du mildiou sur une culture de pomme de terre - crédit: V. César, CRA-W
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Impact du mildiou sur une culture de pomme de terre - crédit: V. César, CRA-W
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Impact du mildiou sur une culture de pomme de terre (crédit: V. César, CRA-W)

II - Agent pathogène et symptômes

La plupart du temps, le cycle de P. infestans est végétatif. Pendant l’hiver, P. infestans se conserve habituellement sous forme de mycélium asexué dans les tubercules laissés au champ (repousses), les tas d’écarts de triage, ou dans les tubercules conservés en stockage. Au printemps, le mycélium survivant produit des sporanges qui sont disséminés par le vent et la pluie, et qui infectent de nouvelles plantes et cultures. En conditions de forte humidité, un cycle se produit tous les 4 à 6 jours à la température moyenne de 15°C. Après l’infection primaire, des cycles de contamination secondaire peuvent se succéder et causer une épidémie avec une destruction très rapide du feuillage. Par la suite, au champ, les tubercules nouvellement formés peuvent être infectés par les sporanges produits sur les parties aériennes des plantes et transportées par l’eau de pluie dans le sol pour infecter les tubercules.

La pomme de terre et la tomate sont les seules plantes hôte de ce pathogène.

Les symptômes du mildiou de la pomme de terre sont les suivants :

Sur feuilles :

Le mildiou se reconnaît aux larges taches brunes huileuses auréolées de vert pâle à la face supérieure des feuilles et au duvet blanc grisâtre sur leur face inférieure par temps humide. Ces taches se dessèchent ensuite en leur centre. La maladie apparaît par foyers isolés, puis s’étend avec une extrême rapidité à l’ensemble de la parcelle.

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Symptôme de mildiou sur feuillage de pomme de terre - crédit: V. César, CRA-W
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Symptôme de mildiou sur feuillage de pomme de terre - crédit: V. César, CRA-W
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Symptôme de mildiou sur feuillage de pomme de terre (crédit: V. César, CRA-W)

Sur pétioles et tiges :

La maladie se manifeste sur les pétioles et les tiges par des taches brunes à différents niveaux qui peuvent entraîner la destruction des jeunes plants ou la cassure des tiges des plantes adultes.

Sur tubercules :

Des taches brunes apparaissent sur l'épiderme des tubercules, et des zones marbrées de couleur rouille et fibreuses, à l’intérieur, sous la forme d’une pourriture sèche. Ces attaques sont la porte d’entrée à d’autres champignons ou bactéries qui entraînent une pourriture humide des tubercules dans le sol ou en cours de stockage.

III - Le cuivre, biocide puissant contre le mildiou

En production biologique, la maîtrise du mildiou constitue souvent l’une des principales préoccupations du fait du manque de fongicides autorisés, en dehors des produits à base de cuivre. 

L’usage du cuivre comme produit phytopharmaceutique est autorisé en agriculture biologique. Le cuivre est à la fois un oligo-élément essentiel pour la plante et un biocide puissant à une certaine concentration. Il est notamment employé pour lutter contre les maladies fongiques telles que le mildiou de la pomme de terre (Phytophthora infestans) et le mildiou de la vigne (Plasmopara viticola), la tavelure du pommier et du poirier (Venturia sp.), le chancre européen (Neonectria ditissima) et contre quelques maladies émergentes fongiques (Elsinoe piri) ou bactériennes (Phytophtora sp., Pseudomonas sp.,...). Cependant, les risques d’effets négatifs du cuivre sur l’environnement et les écosystèmes ont conduit à une réglementation plus stricte de son usage.

Au niveau européen, son utilisation est limitée à 28 kg de cuivre métal par hectare sur une période de sept ans, soit une moyenne de 4 kg/ha/an afin de prévenir l'accumulation de cuivre dans les sols et de réduire les risques pour les organismes non ciblés. Le cuivre est désormais classé comme substance candidate à la substitution, ce qui implique une réévaluation de son homologation tous les sept ans. L’homologation actuelle expire le 31 décembre 2025, mais une prolongation administrative a été accordée jusqu’au 30 juin 2029, afin de permettre la finalisation de la procédure de renouvellement (Corder, 2025).

Au niveau national, la réglementation impose une dose maximale de 4 kg de cuivre métal par hectare et par an, toutes applications confondues, quel que soit le produit utilisé. Cette limite s'applique tant en agriculture biologique que conventionnelle et concerne tous les produits phytopharmaceutiques à base de cuivre autorisés en Belgique. Les homologations des produits à base de cuivre ont également été révisées sur la base de leur risque écotoxicologique, entraînant le retrait de plusieurs formulations, notamment celles contenant de l’hydroxyde de cuivre et de l’oxychlorure de cuivre. À terme, il est probable que l’usage du cuivre comme fongicide en agriculture biologique soit totalement proscrite. En particulier, selon CORDER (2025)1, à partir de la saison 2026 aucun produit cuprique ne sera plus disponible en culture de pommes de terre en Belgique.

IV - Recherches menées sur la lutte contre le mildiou de la pomme de terre  

Voici une synthèse des principaux axes de recherches menés en agriculture biologique sur la lutte contre le mildiou :

4.1. Utilisation réduite du cuivre

Le cuivre est l’un des seuls produits efficaces homologués en agriculture biologique (AB) contre le mildiou de la pomme de terre. Il est également reconnu pour avoir des effets sur de nombreux autres champignons et bactéries pathogènes. Ce produit est donc très précieux pour les producteurs en AB. Cependant, il accuse une certaine toxicité envers les macro- et micro-organismes du sol et aquatiques. 

Ainsi, afin de limiter les conditions de toxicité dans les sols, des recherches ont été menées pour trouver une manière de réduire les doses appliquées tout en maintenant une protection efficace de la culture. Des essais de réduction du cuivre par traitement localisé ont été conduits. Pour concevoir au mieux les applications de cuivre, il a été nécessaire de comprendre le comportement des différentes formulations vis-à-vis du lessivage. Une fraction importante du cuivre étant rapidement solubilisée, ce sont les 10 premiers mm de pluie qui génèrent le plus de perte et c’est la mise au point de formulations libérant plus progressivement le cuivre qui ont été favorisées.

4.2. Pratiques agronomiques permettant de réduire la pression des maladies

  • Le mildiou étant favorisé par des conditions humides, il faut pouvoir choisir des parcelles aérées, réduire la densité de plantation, éliminer les adventices envahissantes, irriguer le matin … pour en limiter le développement.

  • Un écartement inter-buttes plus important (0,90 m) facilite la protection contre le mildiou et les opérations de désherbage. Cela améliore également la qualité des tubercules sans générer de diminution de rendement par rapport à un écartement de 0,75 m. 

  • Une plantation profonde réduira les risques de contamination des tubercules par le mildiou mais pourra aussi augmenter le risque de développement de bactérioses en sols à drainage peu favorable. 

  • Une rotation de 5 à 7 ans intégrant 1 à 3 ans de prairies temporaires est recommandée et il est à éviter d’intégrer dans la rotation des cultures sensibles aux parasites de la pomme de terre (carotte pour les bactérioses, betterave rouge pour les gales, tomate pour le mildiou…). 

  • Le mildiou peut survivre tout l’hiver dans des tubercules ‘oubliés’. Il est donc conseillé d’implanter la culture dans une parcelle propre, sans repousses de pommes de terre ni tas de déchets. 

  • Les variétés plus précoces ou les plantations hâtives permettent de limiter la coïncidence entre la période de risque important en mildiou et la période de croissance active de la plante. Elles exigent, dans nos régions, une protection contre le gel. 

  • Par la pré-germination, il est possible de raccourcir le cycle de la culture. Une culture bien développée au moment où survient l’attaque de mildiou assure déjà un certain niveau de rendement.

  • La fertilisation azotée est favorable au développement du mildiou et doit être pensée en fonction des besoins de la culture.

  • La recherche de variétés résistantes pour l’AB s’oriente vers des variétés à résistance polygénique, partielle et non spécifique, beaucoup plus difficilement contournée par le pathogène.

4.3. Le choix variétal

Pour tenter de contrôler le mildiou de la pomme de terre, différentes mesures peuvent être prises en parallèle à l'usage de substances de protection du feuillage. L’une d'entre elles est le choix variétal.

L'implantation d'une variété moins sensible au mildiou sur le feuillage en production biologique peut permettre une limitation de l'extension des symptômes de mildiou sur le feuillage.

Depuis la fin des années 90, des essais sont menés qui mettent en évidence des variétés qui nécessitent peu de protection fongicide tout en gardant un état phytosanitaire très satisfaisant. Sarpo Mira, Bionica, Carolus et Twinner ont montré un très bon potentiel en termes de résistance au mildiou. 

En 2018, à l’instar de leurs homologues néerlandais en 2017 et flamands en juillet 2018, les acteurs wallons de la filière ont signé une convention visant à n’utiliser, d’ici 2021, que des variétés robustes en AB.  En 2022, 35 variétés ont été testées. Au total 61 variétés ont été testées sur l’ensemble des 4 années d’expérimentations (2019-2022). La liste officielle belge des variétés robustes (qui est issue entre autres de cet essai variétal) a évolué de 25 (2020) à 35 variétés (2023). Une base de données, consultable sur OrganicXseeds, reprend les semences et plants de pommes de terre biologiques disponibles sur le territoire belge.

4.4. Étude de l'efficacité des fongicides comme alternatives aux formulations cupriques

Les nombreuses recherches menées en Europe et en Belgique sur les alternatives au cuivre montrent qu’il n’existe pas à ce jour de matière active compatible avec le cahier des charges AB, capable de rivaliser avec le cuivre en termes d’efficacité.

Un screening des additifs et produits qui permettraient de remplacer, au moins partiellement, le cuivre dans la lutte contre le mildiou a été réalisé en conditions contrôlées (laboratoire). Une large gamme de produits comme, des formulations à doses très faibles de cuivre, des suspensions d’antagonistes, des extraits d’acides aminés, des extraits de plantes, des sels de potassium, des formulations à base de soufre, des formules d’eau oxygénée stabilisées avec des molécules organiques et des rhamnolipides ont été évaluées. Le criblage au laboratoire a concerné 37 substances. Cinq d’entre elles ont présenté une efficacité suffisante être testées en champ (2004-2006).

Seul le phosphite de potassium a été identifiée comme efficace sur pomme de terre, mais non autorisée en AB.

4.5. Développement d’outils intégrant des modèles de prévision

Des avertissements existent en Wallonie. Sur base des conditions climatiques et des prévisions météo, un modèle épidémiologique prévoit l’évolution du pathogène et prédit le moment précis où les cultures doivent être protégées. Depuis 2013, un site internet VigiMAP, permet aux abonnés de visualiser les données météos et les courbes d’incubation du pathogène. Il fournit également l’avertissement pour les 3 stations météos les plus proches.

 

Illustration en-tête: Symptôme de mildiou sur feuillage de pomme de terre (crédit: V. César, CRA-W)

Remerciement à Vincent César (CRA-W) pour la relecture de la fiche.

 

[1] Les produits cuivrés en Belgique | CORDER ASBL