Anthracnose du lupin

Anthracnose du lupin

Marie Moerman - Auteur

I - Introduction

Identifiée au début du XXe siècle au Brésil, puis aux Etats-Unis, l’anthracnose du lupin est une maladie occasionnant d’importantes pertes de rendement et limitant la culture du lupin dans les régions pluvieuses du monde entier. Elle a été signalée pour la première fois en Europe au début des années 80 et plus récemment en Australie et en Afrique du Sud. 

II - Agent pathogène et symptômes

Cette maladie est provoquée par un champignon, Colletotrichum lupini (Bondar) Nirenberg, Feiler & Hagedorn, comb. nov., et touche toutes les espèces de lupins : le lupin blanc (Lupinus albus L.), le lupin à feuille étroite, aussi appelé lupin bleu, (Lupinus angustifolius L.), le lupin jaune (Lupinus luteus L.), mais également les espèces sauvages et les variétés ornementales. Les spores de ce champignon voyagent avec les semences, permettant ainsi le développement de la maladie dès l’installation de la culture. Cette caractéristique explique également pourquoi ces dernières décennies cette maladie s’est dispersée rapidement dans le monde entier par le commerce et les échanges de semences. Des infections sévères peuvent occasionner la destruction totale des semis. Durant la culture, la maladie peut se propager rapidement de plante en plante par les spores émises lors de pluies à partir des tissus infectés. Ces pluies sont également nécessaires à la dispersion et à la germination des spores. C’est pourquoi les régions pluvieuses sont propices au développement de l’anthracnose. 

Sur les feuilles des plantes contaminées, des taches beiges apparaissent (Figure 1-A) et, à la floraison, les tiges se courbent en crosses et des chancres roses auréolés de brun apparaissent (Figure 1-B). Ce champignon est également capable de provoquer l’avortement des fleurs. De plus, la présence de cette maladie réduit le nombre de gousses produites par la plante (Figure 1-C), influençant ainsi directement le rendement en grains. Elle cause également des déformations des grains et la réduction de leur taille (Figure 1-D). En cas de forte attaque d’anthracnose, quel que soit le stade de développement de la plante, celle-ci flétrit et meurt. 

Photo en-tête: Dégâts d'anthracnose sur gousses (récolte 17/09/2014) - crédit: Christine Cartrysse (APPO)

III - Moyens de lutte

Face à cette redoutable maladie, différents moyens de lutte ont été étudiés, principalement en Australie, le plus grand producteur de lupin au monde, mais également en Allemagne. 

La première méthode de lutte consiste à utiliser des variétés résistantes. Ainsi, des croissements ont été réalisés parmi différents cultivars afin d’introduire des gènes de résistance chez les lupins blanc, bleu ou jaune. Des variétés résistantes existent actuellement sur le marché mondial mais ne sont pas forcément adaptées à nos conditions de culture. De plus, cette résistance n’est pas totale et est influencée par la température.


La seconde méthode de lutte consiste à utiliser des semences indemnes d’anthracnose. Pour cela, des recherches ont également été menées afin d’éliminer ce champignon des semences. Outre les traitements chimiques de désinfection de semences, qui ne sont pas efficaces à 100%, des traitements physiques à base de chaleur sèche ou d’eau chaude ont été testés et donnent des résultats comparables aux traitements chimiques. Ainsi, l’application d’une chaleur sèche de 70°C durant quatre jours conduit à une réduction significative, voire à l’éradication, de l’anthracnose sur les semences, tout en n’induisant qu’un faible impact sur le pouvoir germinatif de celles-ci. 

Il est également signalé dans la littérature qu’un stockage des semences durant plusieurs mois (14-18 mois) permet d’éliminer ce champignon. Des traitements biologiques à base d’enzymes produites par Saccharomyces cerevisae, de bactéries (Pseudomonas chloraphis Strain MA342 (Cedomon), de bactéries fixatrices d’azote (TRF-FU-EB)) ou d’extraits végétaux (mélanges orties, de prêles et de lait d’argiles) ont également été testés mais sans montrer le moindre effet. Seul le Tillecur (SBM-new) (poudre de moutarde) montrerait un effet sur l’anthracnose mais son efficacité ne serait pas suffisante pour éliminer le champignon des semences. 

Enfin, pour contrôler la maladie au cours de la culture, différents traitements foliaires ont été étudiés. Les traitements fongicides classiques permettent de protéger, dans une certaine mesure, les plantes mais n’ont pas d’effet curatif. Afin de cibler au mieux les traitements foliaires, les Allemands ont développé un modèle permettant de prédire l’apparition de la maladie et des périodes d’infection. Il est à noter que peu de substances naturelles ont été expérimentées à ce jour. Celles ayant été testées, comme un traitement à base de fougères, n’ont pas montré d’effets probants sur l’anthracnose. 

IV - Moyens de lutte en agriculture biologique

Au vu de ces éléments, dans nos régions au climat favorable à l’anthracnose, il apparait clairement que le contrôle de cette maladie en agriculture biologique passe par l’utilisation de semences indemnes de ce champignon, et de variétés tolérantes à cette maladie telles que des variétés de lupin bleu moins sensibles à l’anthracnose que le lupin blanc ou jaune. Sans ces précautions, il est hautement probable que l’anthracnose se développe rapidement dans la culture en fonction des conditions météorologiques et ne soit pas maîtrisable vu l’absence actuelle de traitements fongicides foliaires efficaces agréés en agriculture biologique. La culture pourrait donc être totalement perdue. Toutefois, de nos jours, la production de semences de lupin biologique ne permet pas de garantir l’absence de cet agent pathogène. Dès lors, la relance de la production de lupin en agriculture biologique ne pourra se faire que par le développement d’une filière de semences de lupin bio garantissant l’absence d’anthracnose. Ceci demande lors de la multiplication de travailler avec des variétés résistantes, de pratiquer des épurations dans les champs de multiplication et sur les semences récoltées d’éradiquer le champignon par des traitements physiques ou par le stockage. Un contrôle d’efficacité des traitements effectués devra en plus être réalisé avant la distribution des semences aux agriculteurs car il a été estimé qu’une infection de 0.1% des graines était suffisante pour engendrer, par la suite, des pertes de rendement allant jusqu’à 50%. 

En conclusion, sans garantie d’absence d’anthracnose sur les semences, il est à l’heure actuelle risqué de cultiver du lupin en agriculture biologique car il est très probable que l’anthracnose soit présente et anéantisse rapidement toute la culture vu les conditions climatiques propices au développement de cette maladie.

 

 

 

Bibliographie

Bataille, C., & Hautier, L. (2015). L’anthracnose du lupin, une redoutable maladie apparue récemment en Europe. (p. 4).
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