Optimiser les réglages de la moissonneuse
Dans le cadre du projet Interreg SymBIOse, Nicolas Thibaut, formateur spécialisé en agro-ingénierie nous a dispensé ses conseil lors d'une formation donnée le 3 février 2022. Cette formation était réservée à un public aguerri car le niveau était assez technique.
Cette fiche synthétise les éléments clés à prendre en compte dans le réglage de moissonneuses batteuses.
Les conseils et recommandations de cet article sont à prendre en compte pour préparer la campagne de récolte et également lors de l’achat d’une moissonneuse, qu’elle soit neuve ou d’occasion. Certaines machines sont montées pour des cultures qui peuvent être différentes d’une régi n à l’autre, à commencer par la quantité de paille. Par exemple, certains préréglages (vitesse de la vis de la table, vitesse du tire-paille…) sont adaptés pour la région du sud de la France (moins de paille, culture bien mûre…). Alors que chez nous, la paille est recherchée pour l’élevage et on n’attend pas toujours que les pailles soient bien mûres pour battre, car les fenêtres météo sont parfois courtes.
Introduction
80 % des réglages doivent être réalisés sous le hangar et ceux-ci permettront d’avoir un matériel performant qui respecte le grain, économise du carburant avec un gain de temps précieux lors de ces périodes de travail.
Il faut savoir qu’une nouvelle machine qui sort d’usine doit être vérifiée de fond en comble au niveau de l’étalonnage des réglages, des préréglages, du serrage des écrous… Près de 70 h sont nécessaires pour réaliser ce travail correctement.
Généralités:
- La paille doit être mûre et sèche.
- Le volume de paille varie avec l’espèce, la culture, l’humidité, la hauteur de coupe.
- Quand la paille est verte, il faut faucher moins bas (cultures avec les grains en hauteur) et/ou rouler plus doucement.
- Il est important de limiter la casse de grains, qui est source de perte et de mauvaise conservation. Il y a une relation entre le nombre de grains cassés dans la trémie et le nombre de grains perdus derrière la batteuse. Observer la quantité de grains cassés dans la trémie permet au chauffeur de connaître la quantité cassée, également perdue au sol.
- Pour nettoyer la batteuse, ouvrir toutes les trappes, souffler avec un souffleur (type souffleur à feuille) et laver à grande eau (pas de machine à pression) avec, par exemple, une lance incendie. Pour les machines qui récoltent des grains à destination de l’alimentation humaine, il est recommandé de graisser la machine avec de la graisse alimentaire.
Les différents organes principaux de la moissonneuse :
• La table de coupe
• Le système de battage (batteur, contre-batteur)
• Le système de nettoyage
La table de coupe
C'est le premier organe de la machine qui va conditionner la qualité de son travail.
Différents éléments sont à prendre en compte :
- La table doit être centrée par rapport au convoyeur et il est important de toujours travailler à pleine largeur de coupe, quitte à diminuer la vitesse d’avancement de la machine.
- Si la hauteur de coupe doit être très haute, pour une raison quelconque, il faut augmenter la vitesse d’avancement pour assurer un flux de récolte suffisant, pour une bonne séparation dans les organes de battage.
- L’utilisation des releveurs est réservée aux cultures versées ou pré-fauchées. L’espace entre deux releveurs doit être égale à la longueur du releveur (1 tous les 4-5 doigts). Trop de releveur peut déformer la barre de coupe.
- La hauteur de coupe minimale dépend de la machine. Une inclinaison de la table est parfois possible d’origine ou bien il est possible de placer une épaisseur sur la partie supérieure du convoyeur près du mécanisme d’attelage.
- Les nouvelles tables peuvent battre à 4 cm de haut. Les tables « flex » (3 cm de hauteur de coupe) pour le soja ne sont pas indispensables.
- La vitesse de la scie doit être suffisante surtout pour le lin et le chanvre. Cette vitesse peut varier d’une marque à l’autre. Il existe des doubles scies.
- Utiliser l’allonge de table automatique pour d‘autres cultures que le colza est conseillé. Plus la paille est haute, plus il faut allonger la table. (Pour les tables qui sont équipées.)
- Vérifier s’il y a un déflecteur sur le bord intérieur de chaque côté de la table pour éviter des bourrages aux extrémités. Cela peut être facilement rajouté en soudant un fer plat de chaque côté qui servira de déflecteurs.
- La vitesse de la vis : celle-ci ne doit pas être trop rapide (bourrage, perte de protéagineux et oléagineux par éjection). Souvent, il y a deux pignons meneurs (mettre sur le plus petit) et deux pignons menés (mettre sur le plus grand). Une vitesse trop élevée de la vis resserre davantage le tapis de récolte et provoque une alimentation étroite du convoyeur !
- L’espace entre le fond de la table et la vrille doit être de 20 mm et régulier.
- La vrille de la vis d’alimentation doit correspondre à la largeur du convoyeur. Vérifier et modifier si nécessaire. Voir Schéma 1.
- Les doigts ameneurs doivent être à l’horizontal devant et à la verticale en dessous (donc, sortis au maximum entre l’angle de 15 à 18 h). Si les doigts sortent trop tôt, il y a des risques d’égrenage en protéagineux. Et s’ils rentrent trop tôt, ils n’amènent pas bien la récolte vers le convoyeur.
- Le rabatteur est accessoire (sauf dans le versé) et doit tourner 10 % plus vite que la vitesse d’avancement.
Le système de battage
Le batteur
Deux types de batteur : transversal (conventionnel) et axial.
Dans un axial, le battage se fait sur la longueur et la matière passe plusieurs fois au niveau du contre-batteur.
Sur un batteur conventionnel, les deux tiers du grain passent dans le premier tiers du contre-batteur.
- Un batteur doit être lourd pour augmenter l’inertie. Ceci permet de diminuer la vitesse du batteur de 100 à 150 tr/min et de gagner 5-6 l de carburant/h. Il existe des barres d’alourdissement (d’origine ou en option) ou des batteurs de type lourd...
- La vitesse du batteur trop élevée provoque : cassure et fêlures du grain, trop de cassures de la paille, brisure de rafle en maïs et de capitule en tournesol, qui encrassent les organes de triage à l’arrière.
- Plus le batteur tourne vite, moins il a le temps de battre.
- Il y a trois gammes de diamètre de batteur : 45 cm, 60cm et 76cm avec des objectifs de régime différents en fonction des espèces à récolter.
En pois et féverole, il faut compter 380 tr/min pour un diamètre de 45 cm, 280 tr/min pour un diamètre de 60 cm, 220 tr/ min pour un
diamètre de 76 cm. Pour des associations, il faut choisir un réglage intermédiaire entre les deux, voir plus de type protéagineux.
Le contre-batteur
L’équilibrage et l’étalonnage du contre-batteur doit être vérifié chez le concessionnaire. Il peut y avoir des erreurs entre les deux côtés en sortie d’usine.
- Éviter les ébarbeurs (juste pour l’orge pas mûr), lattes de batteur, barrettes d’aveuglement au début du contre-batteur.
- Trois types de contre-batteur : standard (céréales), mixte et à maïs (féverole). Le mixte ressemble à celui pour maïs. Par exemple, selon Nicolas Thibaut, en blé, on gagne 20 à 25 % de débit avec un contrebatteur standard par rapport à un mixte.
- Largeur entre les fils du contre-batteur :
10 mm pour les associations (méteils avec féverole, pois…)
19 mm pour le maïs. - Espace entrée et sortie batteur/contre-batteur : la plus grande taille du grain + 1 mm à la sortie.
- Les barres perpendiculaires ne doivent pas être arrondies car pas assez agressives pour battre les céréales.
- Organe de battage :
Le système de nettoyage
Le caisson de nettoyage est un trieur séparateur. Après le batteur, on peut avoir un ou des séparateurs rotatifs et tire-paille. Ceux-ci alimentent le dispositif de nettoyage.
- Certaines machines sont équipées de prégrille (JD). Dans ce cas, les fermer ou juste les ouvrir à 3 mm pour les céréales. Ce dispositif a tendance à encombrer la grille inférieure.
- La grille supérieure ne doit pas être trop ouverte. Elle doit trier et non récupérer les imbattus.
- La grille inférieure doit être fermée plus fort qu’au-dessus. Jamais moins que 5 mm pour la grille inférieure.
- Certaines machines ont une allonge de grille inclinable. Il vaut mieux la fermer car elle risque de récupérer des crasses. En terrain vallonné, si celle-ci a un réglage à distance, il peut être relevé en montée et abaissé en descente.
- En culture associée, il faut faire des compromis. Par exemple, si des féveroles semées comme plantes compagnes avec du colza n’ont pas gelé et se retrouvent en graines à la moisson, fermer la grille supérieure à 3-4 mm permet de les séparer, si vous ne voulez pas les garder avec le colza.
- Le vent du ventilateur doit être orienté vers l’avant où il y a le plus de matière.
Vitesse maximum pour pois, féveroles… Pour une association féverole/ avoine, il faut faire un compromis en fonction de la quantité d’avoine que l’on veut conserver sans avoir trop de déchets dans la trémie.
Vitesse minimum pour le colza (minima + 100 tr/min = environ 500 tr/min. Vitesse au 2/3 pour les céréales (800 à 1.000 tr/min), (attention à l’avoine et au petit épeautre). - Il est préférable que le retour des ôtons se fasse au batteur principal, car les batteurs séparés tournent beaucoup trop vite et abîment systématiquement les grains.
Ajustements au champ
- Si le grain est cassé : la vitesse du batteur est trop élevée.
- Si des épis sont imbattus ou d’épillets à trois grains : serrer un peu
plus le contre-batteur. - Si les épillets ne conservent que deux grains : il faut augmenter la charge de la machine.
- Quelques grains vêtus dans la trémie : ne rien toucher, la machine est bien réglée.
- Les détecteurs de perte peuvent comptabiliser des pailles vertes et des noeuds.
Dans ce cas, un repère simple : un moyen facile pour mesurer les pertes derrière la batteuse est de placer un bac sous l’andain. Pour un rendement de 50 q/ha une perte de 1 %, soit 50 kg/ha représente environ 25 grains sur la surface d’une feuille A4 (21 x 29,7 cm).
Le cas du fauchage-andainage avant la moisson
La technique du fauchage-andainage est une technique qui se développe. Encore une fois, on n’a rien inventé. Nos parents ou grands-parents le faisaient déjà ! Ils fauchaient (à la main puis à la lieuse) pour ensuite confectionner des gerbes un peu avant que les grains ne soient trop secs. Ils les dressaient en groupe pour qu’ils
achèvent de sécher, pour ensuite les engranger en attendant le passage de la batteuse en hiver. Vous avez des maturités hétérogènes, des mélanges d’espèces, des espèces à maturité échelonnée (plantes à floraison indéterminée comme le sarrasin, le colza, le pois chiche, le quinoa…), des espèces qui ont la paille qui ne mûrit pas en même temps que le grain ? Vous voulez étaler la période de récolte, en commençant plus tôt (15 jours) ? Alors, le fauchage-andainage est une solution très efficace.
Quelques règles:
- La maturité des céréales, protéagineux, est complète entre 25 et 27 % d’humidité du grain. Elles ont alors tout leur pouvoir germinatif et ne doivent plus que sécher. Si des zones de la parcelle sont plus élevées, alors laissez encore un peu sécher.
- La hauteur des chaumes permet une bonne ventilation sous l’andain (15 cm). En colza, faucher juste au-dessus des premières ramifications permet à l’andain de bien tenir sur les chaumes.
- L’andain restera au sol 4 à 7 jours avant la reprise par la moissonneuse.
- C’est important d’avoir un créneau d’une semaine sèche. Une averse de 10 l ressèchera rapidement ; par compte, un gros orage n’est pas recommandé.
- La reprise peut se faire avec une table classique montée avec les releveurs. On coupe entre le sol et l’andain. Pour les andains déposés au sol (graminées, légumineuses fourragères, lentilles…), il faudra utiliser un pick-up à tapis pour reprendre l’andain.
- La moissonneuse qui bat une culture séchée en andain au sol donnera des qualités de battage impeccable.
- La présence de verdure dans la culture est très problématique pour une bonne qualité de battage. Une moissonneuse, ce n’est pas une ensileuse !
Co-Auteur de la synthèse technique : Nicolas Thibaut spécialiste agro-ingénierie