Épandage - Biowall'Innov
Introduction
Le lisier est de loin l’engrais de ferme le plus important dans de nombreuses exploitations d’élevage. En production laitière, on considère qu’environ 10 m3 de lisier sont produits par vache pendant la période hivernale de 6 mois.
À l’heure actuelle, le marché propose diverses techniques d’épandage, afin de valoriser au mieux cet engrais riche en azote ammoniacal. Au-delà des nombreuses bonnes pratiques agricoles, détaillées dans ce document, veillez à toujours respecter la législation en vigueur, notamment le PGDA4, lors de l’épandage du lisier.
Contexte: les émissions ammoniacales
L’ammoniac est considéré comme un polluant atmosphérique et d’après l’IPCC, environ 1 % de l’ammoniac émis dans l’atmosphère peut se transformer en protoxyde d’azote (N2O). C'est pourquoi les émissions d'ammoniac, qui n'ont pas d'impact sur le climat au départ, sont prises en compte à hauteur de 1 % comme impact sur le climat sous forme de N2O.
Les effets négatifs des émissions d’ammoniac peuvent être multiples. Au sein des bâtiments agricoles, des fortes concentrations d’ammoniac dans l’air peuvent avoir des conséquences négatives sur la santé des animaux et leurs performances zootechniques. Les retombées d’ammoniaque via les précipitations représentent une source d’azote perturbatrice pour divers écosystèmes et mènent à une eutrophisation des ressources en eau, un déséquilibre nutritif favorisant la croissance de plantes dominantes en détériorant l’habitat.
Au niveau des émissions d’ammoniac (NH3), la Belgique s’est engagée à travers la directive NEC (national émission ceilings) à réduire ses émissions de 13 % par rapport à 2005 à l’horizon 2030. En Wallonie, les émissions ammoniacales sont essentiellement d’origine agricole avec environ 89.6 % des émissions totales en .
Les pertes issues de l’épandage des engrais de ferme (et d’autres engrais azotés) représentent avec 24 %, une source importante des pertes ammoniacales en Région Wallonne. À l’échelle des exploitations agricoles, certains leviers peuvent être actionnés afin de réduire ces pertes, notamment lors de l’épandage du lisier.
Dans le lisier de bovins, on considère que 40 à 50 % de son azote s’y trouve sous forme d’azote ammoniacal: N-NH4. La teneur totale en azote des lisiers de bovins tourne en moyenne autour de 3,5 kg N/t, dont environ à 1,6 kg N-NH4/t (source Requasud). Le reste de l’azote du lisier est de l’azote organique; il n’y a pas d’azote sous forme de nitrates (NO3) dans les engrais de ferme.
La solubilité de l’ammoniaque dans le lisier (eau) peut diminuer suite à l’épandage (température et pH augmentent,…), ce qui se traduit alors par une transformation en sa forme gazeuse: l’ammoniac (NH3). Le pH est également un facteur qui peut influencer la solubilité de l’ammoniaque. Un pH (légèrement) acide empêche la transformation de l’ammoniac en sa forme gazeuse et volatile. Le lisier de bovins étant toujours légèrement basique avec un pH moyen de 7,6 (source Requasud).
C’est au moment même de l’épandage et pendant les premières heures après l’épandage du lisier que les phénomènes de volatilisation vers l’atmosphère sont les plus élevés. Il est donc absolument nécessaire d’épandre le lisier sous une météo froide, pluvieuse, voir un ciel couvert et pas de vent ni de soleil.
Les techniques d’épandage
Au-delà de la météo, la technique d’épandage du lisier joue un rôle très important sur la volatilisation de l’ammoniac.
L’épandage du lisier en surface peut causer de pertes ammoniacales très élevées, surtout lorsque la météo est défavorable aux épandages, càd du soleil, des températures élevées (supérieures à 10 °C), beaucoup de vent,.... En effet, l’entièreté de l’azote ammoniacal peut se perdre vers l’atmosphère, ce qui représente non seulement une perte réelle pour l’agriculteur mais également risque environnemental.
Les techniques d’épandage proche du sol permettent de réduire significativement la volatilisation ammoniacale et déposent le lisier en lignes: soit sur la végétation (tuyaux trainés), soit en dessous de la végétation sur le sol (pâtins d’épandage). D’un point de vu pratique, ceci n’est pas toujours sans conséquences, étant donné que ces « boudins » de lisier risquent de sécher et salir ainsi l’herbe voire même le fourrage conservé lorsqu’il sera récolté. En prairie lorsque l’on opte pour les épandages proche du sol, il est conseillé de réaliser l’épandage lorsque la végétation atteint une hauteur d’environ 10 cm, afin de déposer le lisier en dessous du feuillage dans une zone plus à l’ombre. Seules les pâtins d’épandage conviennent à ce fait, les tuyaux trainés étant peu adaptés en prairie.
Une injection du lisier en prairie réduit entièrement les pertes ammoniacales, mais coûte plus cher, demande plus de force au tracteur et peut même être néfaste pour le gazon en favorisant le développement d’espèces non souhaitées (pâturin commun, rumex, ...).
La technique d’épandage proche du sol va de paire avec du matériel plus lourd : Les rampes d'épandage ont un certain poids (rampe à patins= 60 à 180 kg par m de largeur de travail), ce qui modifie la charge par essieu sur le tonneau, la charge d'appui sur l'attelage arrière du tracteur et le poids d'adhérence sur l'essieu avant du tracteur. Il faut donc faire attention à la portance du sol et à l’accessibilité des parcelles, pour éviter les ornières et l’effet tassement des prairies.
L’épandage du lisier proche du sol permet de limiter les pertes ammoniacales par volatilisation et peut être intéressant lorsque les sols sont portants et que la météo ne permet pas d’épandre dans de bonnes conditions avec les techniques classiques (en surface).
Le tableau suivant donne un petit aperçu des différentes techniques d’épandage:
La dilution du lisier
La réduction de la teneur en matière sèche et de la concentration du lisier permet une meilleure solubilité de l’ammoniaque et un moindre passage vers sa forme gazeuse. Les teneurs moyennes en matière sèche du lisier tournent entre 7-8 %. Même un faible degré de dilution se montre déjà efficace dans la réduction de la volatilisation. Mais soyons bien conscients, que la dilution du lisier avec de l’eau n’est pas une possibilité qui se prête à chaque exploitation et que cette dilution mène à une augmentation des volumes globaux à transporter et à épandre.
Après de nombreuses années de recherches sur la volatilisation de l’ammoniac, une conclusion peut être tirée : la méthode la plus efficace, la moins chère et qui permet de réduire significativement la volatilisation ammoniacale, consiste en une dilution du lisier avec de l’eau. Il n’est pas conseillé d’utiliser de l’eau du robinet à cette fin, mais bien de l’eau de pluie, l’eau de lavage de la salle de traite, etc.
Les additifs de lisier
Sur le marché, on trouve également divers additifs de lisier, qui promettent tous des résultats miraculeux sur la réduction des pertes ammoniacales. Il faut rester vigilant quant à ces produits. Il est est possible de réduire la volatilisation ammoniacale, avec des simples gestes, tout en évitant ces additifs, souvent assez chers.
L’acidification du lisier
Il est connu que l’acidification du lisier, qui provoque une baisse du pH, réduit la transformation de l’ammonium (NH4) en sa forme gazeuse (NH3) et donc sa volatilisation. En effet, nos essais ont montré qu’une baisse du pH du lisier à 6,25, réduit significativement la volatilisation ammoniacale comparé au lisier non acidifié (pH > 7). L’ajout d’acide concentré dans le lisier, qui est un engrais de ferme toujours légèrement basique avec un pouvoir tampon élevé, présente par contre de nombreux inconvénients: investissement conséquents, produit couteux et surtout dangereux pour l’agriculteur avec des conséquences potentiellement graves sur l’environnement, le matériel, les infrastructures de stockage, ainsi qu’une demande plus élevée en chaux pour redresser le pH du sol par après. L'acidification du lisier pour réduire les émissions d'ammoniac crée donc de nouveaux problèmes.
Agra Ost ne conseille en aucun cas d’acidifier le lisier à grande échelle dans les exploitations!
Perspectives d’avenir
Les normes imposées par l’UE à la Belgique en termes de réduction des émissions ammoniacales font parties de programmes nationaux de qualité de l’air. La directive UE ((EU) 2016/2284) prévoit que “Les États membres mettent en place un code national indicatif de bonnes pratiques agricoles pour limiter les émissions d'ammoniac, en tenant compte du code-cadre de bonnes pratiques agricoles pour réduire les émissions d'ammoniac...”
Des futures restrictions, notamment pour les techniques d’épandage de lisier, risquent donc de voir le jour à l’avenir. À l’heure actuelle, nous n’avons pas encore connaissance de règles concrètes envisagées au niveau régional. Soyons quand même attentifs et prêts à d’éventuels changements.
Conclusion
Lorsque le lisier est épandu par temps pluvieux voire au moins un ciel couvert avec une humidité relative élevée et des températures basses, il est valorisé de manière optimale et la volatilisation ammoniacale est très réduite. Des températures élevées (>10°C), un temps ensoleillé, beaucoup de vent, sont des facteurs qui vont augmenter la volatilisation de l’ammoniac vers l’atmosphère, notamment avec des techniques d’épandage en surface. Le recours aux techniques d’épandage proche du sol est justifié dans ce cas.
La méthode la plus efficace et la moins chère à mettre en place dans les exploitations, c’est la dilution du lisier avec de l’eau de pluie.
[2] Source: agence wallonne de l’air et climat (AWAC)