Bio-agresseurs des légumineuses à graines
Les avantages des légumineuses ne sont plus à démontrer : fixation symbiotique de l’azote et enrichissement en azote du sol pour la culture suivante, autonomie protéique, allongement des rotations, augmentation de la biodiversité... Néanmoins, les rendements peuvent être aléatoires en raison de leur forte sensibilité aux insectes, aux maladies et aux aléas climatiques. Cet article détaillera ces facteurs ainsi que des moyens préventifs à mettre en place pour y faire face.
Les insectes
Il existe deux grands types de pucerons : les pucerons verts et les pucerons noirs. Les pucerons verts (Acyrthosiphon pisum) sont de relativement grande taille (3 à 6 mm). Ils provoquent des dégâts directs liés aux piqûres tels que l’avortement des boutons floraux et des gousses. Ils sont aussi responsables de la transmission de virus. Les virus sont d’autant plus nuisibles qu’ils infectent les plantes à de jeunes stades. Les pucerons verts affectent principalement les pois mais peuvent aussi toucher les lentilles.
Les pucerons noirs (Aphis fabae) sont de plus petites tailles (2 à 2,5 mm) et sont présents sous forme de colonies ou de manchons noirs. En pompant la sève, ils provoquent un affaiblissement de la plante (flétrissement et décoloration des plantes). De plus, leurs piqûres peuvent aboutir à l’avortement des fleurs et elles peuvent porter des virus.Les pucerons noirs peuvent causer d’importants dégâts sur les féveroles.
Les sitones sont de petits coléoptères actifs à partir de 12°C et par temps ensoleillé. Les adultes font des petites encoches rondes sur les bords des feuilles. Ils pondent sur les parties aériennes des plantes. Les larves tombent au sol et elles se nourrissent sur les nodosités. Elles affectent donc la fixation biologique de l’azote. Elles touchent le soja, le pois, la féverole et le lupin. La nuisibilité est plus forte en pois car il ne fait pratiquement plus de nodosités après la floraison.
Les bruches appartiennent également à la famille des coléoptères. Elles sont observées pendant la floraison lorsque les températures sont supérieures à 20-25°C. L’adulte pond ses œufs sur les gousses. La larve va pénétrer dans la gousse. L’adulte sortira de la graine à la récolte ou pendant le stockage en laissant un ou plusieurs petits trous. La qualité de la graine est altérée et on dit qu’elle est bruchée. Il y a un risque de déclassement, surtout en alimentation humaine. En féverole, le taux de déclassement est de 10% en alimentation animale et 1% en alimentation humaine. Il existe une espèce spécifique de bruche pour chaque légumineuse (féverole, pois et lentille).
D’autres insectes peuvent également toucher les légumineuses tels que les mouches mineuses, tordeuses, thrips, cécidomyies…
Les maladies fongiques
Les maladies fongiques sont transmises par des champignons. Certains champignons sont spécifiques et ne vont généralement s’attaquer qu’à une espèce en particulier alors que d’autres sont généralistes et vont s’attaquer à un grand nombre d’espèces (tableau 1).
Pathogènes spécifiques
L’ascochytose (anciennement appelée anthracnose) se développe sous forme de taches brun clair à pourtour noir ressemblant à des brulures de cigarettes. Des pycnides noires sont généralement présentes. Elle se développe sur les feuilles, les tiges et les gousses et entraîne la nécrose des organes touchés. Elle se développe en conditions humides et chaudes (15 à 20°C). Elle est favorisée dans les couverts denses. C’est une des maladies principales en pois, féverole, lentille et pois chiche. Une souche est spécifique à chaque légumineuse.
L’anthracnose est la maladie principale du lupin blanc. Il existe des variétés tolérantes mais leur tolérance est encore à confirmer. Le lupin bleu à feuilles étroites est moins sensible. Des conditions humides et un couvert dense favorisent la maladie. Elle est présente principalement sur les tiges et les gousses sous forme d’un mycélium rose.
Le botrytis fabae se reconnaît grâce à ses tâches marron chocolat présentes sur les feuilles, les tiges et les gousses conduisant à la nécrose. Il est spécifique de la féverole (contrairement au botrytis cinerea) et peut être très préjudiciable. Il se développe par temps chaud (18-20 °C) et humide.
La rouille se caractérise par la présence de pustules brunes sur les faces supérieures et inférieures des feuilles. Elle se développe par temps chaud (optimum de 21°C) et sec. Elle touche principalement les féveroles mais on peut aussi la retrouver en lentilles, pois et lupins.
Le mildiou se développe par temps frais (optimum de 6°C), humide et couvert. Il se présente sous la forme de tâches jaunâtres sur la face supérieure des feuilles et d’un feutrage blanc-gris sur la face inférieure. Il s’attaque principalement aux pois.
Pathogènes généralistes
Le sclérotinia est aussi appelé pourriture blanche (voir article sur le sclérotinia dans Itinéraires bio n° 49 p 34 et 35). La souche la plus courante est le champignon Sclérotinia sclérotiorum. Il s’attaque à plus de 400 espèces différentes (tournesol, colza, chicorées, carottes, haricots…). Il prend la forme d’un mycélium blanc avec présence de sclérotes. Il est favorisé par les printemps humides et les rotations comprenant plusieurs plantes sensibles. Les sclérotes se conservent dans les sols pendant 5 à 10 ans. Il est fréquent en soja. Il peut également toucher les pois, féveroles, pois chiches et lupins. Il est possible de réduire le potentiel infectieux grâce à l’utilisation du produit de biocontrôle, et utilisable en agriculture biologique, Contans WG.
Le botrytis cinerea entraine une pourriture grise des feuilles, des tiges et des gousses. De ce fait, la maladie est couramment appelée pourriture grise. Il se développe par temps chaud (15 à 20°C) et humide. Il touche toutes les espèces mais on le retrouve principalement en pois et lentilles.
L’aphanomyces est responsable de la pourriture racinaire. Le système racinaire est nécrosé et les plantes jaunissent et restent naines. La maladie se développe au printemps, par temps humide et doux. Elle apparaît généralement sous forme de foyers. Le champignon peut se conserver de 10 à 20 ans dans les sols. Elle touche les pois et les lentilles. Les pois d’hiver sont moins sensibles que les pois de printemps. En effet, la maladie se développe au printemps et le pois d’hiver est suffisamment développé pour supporter les attaques. Un test aphanomyces peut être réalisé au CRA-W pour déterminer le potentiel infectieux (PI) de la parcelle. Si le PI est inférieur à 1, la culture de pois de printemps ou d’hiver est possible. Si le PI est compris entre 1 et 2.5, la culture de pois de printemps est déconseillée mais le pois d’hiver reste possible. Si le PI est supérieur à 2.5, les pois sont déconseillés.
D’autres maladies racinaires peuvent toucher les légumineuses telles que Pythium sp., Rhizoctonia solani, Phytophtora sp., Fusarium sp. Elles sont généralement responsables de nécroses racinaires et de jaunissement des plantes.
Tableau 1. Principales maladies des légumineuses à graines
Quelques mesures préventives pour lutter contre les bio-agresseurs
Le meilleur moyen de lutter contre les pucerons est la présence des auxiliaires (coccinelles, syrphes, hyménoptères…). On peut les favoriser en créant des zones de biodiversité en bordure de champs par exemple (voir dossier sur la biodiversité fonctionnelle dans l’Itinéraires bio n°48).
Il est important de semer dans des bonnes conditions et dans un sol suffisamment ressuyé. Une levée rapide et homogène favorisera une meilleure résistance aux ravageurs. Un bon développement de la plante permettra également une croissance rapide des racines et des nodosités.
Les associations permettent de limiter les maladies aériennes. En effet, la culture associée a un effet barrière qui limite la présence de spores.
Une culture trop dense favorise les maladies aériennes en créant un microclimat humide propice à leur développement.
La rotation doit être suffisamment longue pour éviter les maladies racinaires (aphanomyces, sclérotinia…)
Certaines maladies peuvent se transmettre par les semences. C’est le cas par exemple de l’ascochytose en féveroles. Il faut utiliser des semences saines et ne pas resemer des graines issues de parcelles où des dégâts ont été observés. Les graines bruchées ont une faculté germinative plus faible pour les graines de petites tailles (pois, lentilles…). Pour les grosses graines de féverole, du moment que le germe ne soit pas troué, la grosseur de la graine permet de garder suffisamment de réserve pour la germination. Il ne faut pas hésiter de réaliser un test de germination.
Les aléas climatiques
La plupart des légumineuses sont sensibles à la combinaison du stress thermique et hydrique pendant la floraison et pendant le remplissage des grains. Elles sont également sensibles à des stades plus jeunes mais des compensations sont parfois possibles si les conditions redeviennent favorables. A contrario, un excès d’eau favorisera les maladies et limitera le développement des plantes. Des excès d’eau proches du semis et de la récolte sont très préjudiciables.
Les féveroles et les pois de printemps sont très sensibles aux coups de chaud (> 25°C) et aux périodes de stress hydrique. Les féveroles et les pois d’hiver y sont moins sensibles car la floraison arrive plus tôt en saison.
La lentille et le lupin sont adaptés à un climat plus sec. Néanmoins, ils restent sensibles au stress hydrique pendant la floraison et le remplissage des grains. Ils supportent mal les excès d’eau.
Le pois chiche préfère un climat sec et chaud et n’apprécie guère un climat doux et pluvieux. Ses fleurs avortent si les températures tombent en dessous de 15°C.