La luzerne

La luzerne

Patrick Silvestre - Auteur technique

La luzerne cultivée (Medicago sativa) est la légumineuse fourragère avec le plus haut rendement et la plus riche en protéine. Si elle a de gros atouts, la luzerne est une plante exigeante et difficile à implanter et maintenir dans certaines conditions. 

Botanique 

La luzerne fait partie de la famille des légumineuses (fabacées). Elle est thermophile, c’est-à-dire qu’elle aime les températures élevées de plus avec sa racine pivotante qui est la plus profonde de celles des légumineuses la luzerne tolère bien les sécheresses. Elle présente une tige dressée et ramifiée avec des feuilles trifoliées. 

Type de sol 

Pour atteindre les rendements maximaux la luzerne doit impérativement être implantée dans un sol dont le pH est supérieur à 6,5, sans eau ni humidité stagnante et dans une région à climat doux et plutôt sec. Elle aime les sols bien pourvus en phosphore et en potasse et en calcium disponible mais pas lourds. Elle préfère les sols profonds qui permettent à sa racine pivotante de descendre suffisamment bas et d’être assez résistante aux sécheresses.  

Inoculation 

La luzerne est capable d’utiliser l’azote présent dans l’air pour s’alimenter comme toutes les légumineuses. Mais la bactérie spécifique qui s’associe à la racine de luzerne est celle du genre Sinorhizobium meliloti. Il est indispensable d’inoculer les semences juste avant le semis avec cette bactérie dans les cas suivants : - pH < 6,5 

-parcelles dans lesquelles la luzerne n’a plus été cultivée depuis + de 5 ans 

- les sols à faible teneur en matière organique 
- les sols très séchants ou humides 

 

Cependant toutes les situations qui perturbent le rhizobium ou la racine empêche une fixation symbiotique optimale (tassement, excès d’eau, niveau de nitrate élevé dans le sol, implantation difficile…). 

Implantation 

Pour réussir l’implantation d’une luzerne il faut impérativement travailler le sol en conditions suffisamment sèche pour obtenir une bonne structure suffisamment fine et grumeleuse. Un lissage dû à un travail du sol en conditions humides empêchera la racine pivot de descendre en profondeur et donc de résister aux sécheresses. Le lit de semence doit être fin et bien rappuyé, il est donc impératif de bien rouler le semis. La profondeur de semis idéale est de 1 cm, le semis à la volée est préférable à celui en ligne car il y a moins de compétition entre les plantes. La dose de semis en pur est de 25 à 30 kg/ha (luzerne pré-inoculée).  

La luzerne est une plante assez exigeante au niveau des températures, son zéro de végétation se situe à 5 °C. De plus, elle a des besoins en rayonnement assez importants et donc elle se développe plus vite lorsque les jours sont longs. Cela veut dire qu’il faut préférer des semis précoces, que ce soit au printemps ou en été car la luzerne doit avoir 3 feuilles trifoliées pour résister à l’hiver. Sous nos climats le semis peut avoir lieu au printemps en mars-avril ou en été jusque fin août-début septembre. Un semis plus tardif est plus sensible en été pénalise le rendement des coupes de l’année suivantes. De plus les semis tardifs sont plus sensibles à la sclérotiniose. En conditions sèches, le semis en fin d’été présente un risque d’échec accru, il est donc préférable de reporter le semis au printemps. 

Il n’est pas recommandé de semer la luzerne avec de plantes de couverture car celle-ci est peu concurrentielle aux stades jeunes. Il est déconseillé de faucher avant l’hiver lorsque l’implantation est tardive. 

Fertilisation et amendement 

La fertilisation de la luzerne se fait surtout par la fumure de fond. Elle peut en effet se passer de fertilisation azotée mais un apport de 30 unités d’N/ha avant ou après le semis peut aider au démarrage. Dans les associations luzerne-graminées avec peu de légumineuses, des apports d’azote organique doivent être effectués de façon plus régulière. 

Pour atteindre des rendements entre 10T et 12,5 T de MS/ha/an la luzerne prélève : 

  • 80 à 100 kg de P2O 
  • 240 à 300 kg de K2O 
  • 30 à 40 kg de Mg1 

La fertilisation d’élément de fond doit être justifiée par une analyse de sol en prenant en compte les fournitures du sol. Les apports peuvent être réalisées sous forme de compost de fumier ou d’engrais minéraux naturels autorisés dans le règlement pour la production biologique. 

Un apport de 60 unités de phosphore au moment du semis booste l’implantation en favorisant l’enracinement et le développement. (Essai Arvalis 2012-2013). 

La luzerne a également besoin de 30 unités de calcium disponible/t de MS produite. En sol pauvre à pH acide, un apport de 1000 u de CaO/ha2 par chaulage peut être nécessaire, ensuite un apport tous les 2 ans.  

La luzerne peut également exporter jusqu’à 6,5 unités de soufre/ha (DUTHIL et COMIFER, 2017). Des apports de 50 à 80 unités de SO3 au printemps peuvent être apportés par un sulfate de potasse par exemple lorsque le sol est filtrant ou pauvre en matière organique ou lorsque l’hiver est très pluvieux. 

Exploitation 

Une première coupe de nettoyage peut être effectuée 7 à 8 semaines après le semis. Cela permet d’éliminer les adventices annuelles.  

La hauteur de fauche doit être comprise entre 7 et 8 cm minimum pour la luzerne afin de préserver au maximum les pivots et donc les repousses (Crémer et Knoden, 2012). Pour atteindre ces hauteurs de fauche il est souvent nécessaire d’ajouter des patins d’usure pour coupe haute au lamier des faucheuses.  

Cette légumineuse doit passer l’hiver avec une hauteur de 10 à 15 cm (taille du poing) pour assurer la résistance au gel. Elle supporte 5 coupes par an mais il est conseillé de laisser fleurir (10% des plantes en fleur) au moins une fois par an la luzerne pour permettre aux racines de reconstituer leurs réserves. La tige a tendance à se lignifier après floraison et la plante perd en valeur alimentaire. Les coupes fréquentes permettent une meilleure valeur alimentaire mais épuise la plante il faut donc trouver un compromis. 

Sa sensibilité au piétinement limite la possibilité de pâturage uniquement à des périodes très sèches. 

La luzerne dans les rotations grandes cultures (ENCART) 

L’intégration de luzerne dans une rotation en grande culture contribue à une meilleure maitrise des adventices vivaces comme le chardon. Grâce aux coupes fréquentes de luzerne sur plusieurs saisons la racine pivotante du chardon finit par s’épuiser et les chardons se font alors étouffer progressivement par la luzerne. Il est nécessaire de répéter l’action sur plusieurs années pour une meilleure efficacité. 

Conservation  

Sa conservation en pur et délicate. La faible teneur en sucre de la luzerne limite la fermentation et la baisse de pH pour faire un ensilage. Pour ces raisons, il est conseillé de la cultiver en association avec une graminée.  

En ensilage, viser une matière sèche comprise entre 35 et 40 % pour une conservation optimale. En dessous de 35 % de MS l’emploi d’un conservateur est conseillé (acide propionique ou bactéries lactiques et une source de sucre) en balles enrubannées, viser plutôt 45 à 50 %. L’enrubannage au champ est déconseillé car les chaume perfore facilement le plastique mais s’il n’y a pas d’autres alternative il faut utiliser au minimum 8 couches et déposer les balles sur le côté plat (plus de couches que sur l’arrondi). Il convient d’utiliser un système de coupe performant pour obtenir des brins plus courts et donc une compaction élevée du fourrage pour améliorer sa conservation.  

La luzerne est très sensible aux pertes par brisure des feuilles, elles peuvent dépasser les 30% lorsque le fanage est inadapté pour la conservation en fourrage sec. La fauche avec une faucheuse équipée d’un conditionneur à rouleau accélère le fanage et limite un passage de pirouette.  

Le fanage doit se faire à faible vitesse de rotation uniquement quand les feuilles sont encore molles et quand il y a encore de la rosée le matin. Le nombre de passage doit être le plus limité possible. 

Variétés 

Il existe 2 types de luzerne : les luzernes type « nord » et type « sud ». Les luzernes de type nord ont un indice de dormance3 compris entre 3,5 et 5,5 alors qu’une dormance supérieure ou égale à 6 qualifie les luzernes type sud. Les luzernes de « type nord » sont les plus adaptées à nos régions aux hivers longs, elles offrent généralement une première coupe plus importante mais tolèrent un peu moins les coupes fréquentes. Il est important d’utiliser des variétés recommandées par les centres pilotes comme Fourrages Mieux.  

L’association de plusieurs variétés de type « nord » ont montré des effets positifs sur le rendement de luzernières dans nos régions (Knoden, 2024). 

(Réussir, sophie Bourgeois, 2013) + fourrages mieux réussir luzerne en ardenne 

Les mélanges luzerne-graminées 

Associer la luzerne avec une ou plusieurs graminée comporte de nombreux avantages. Cela permet une meilleure stabilité de rendement sur l’année, moins de pertes par brisure au fanage, une meilleure conservation par ensilage, un meilleur rapport énergie-protéine. Les graminées qui sont également plus couvrantes apporte un salissement moindre et une meilleure portance, ce qui se traduit par une pérennité supérieure.  

La fétuque, le dactyle et la fléole sont des graminées intéressantes pour associer à la luzerne car elles ont un développement juvénile lent et concurrence ainsi peu la jeune luzerne. De plus ces graminées sont également tolérantes à la sécheresse et non-remontantes ce qui permet d’être plus souple de mieux se caler à la croissance de la luzerne pour les dates de fauches qu’avec un ray-grass.  

Exemple de mélange 

  • 25 kg/ha de luzerne « type nord » + 4 kg de dactyle tardif + 1 kg de trèfle blanc (améliore la couverture) 
  • 20 kg/ha de luzerne « type nord » + 15 kg /ha de fétuque élevée tardive 
  • 20 kg/ha de luzerne « type nord » + 10 kg/ha de fétuque élevée tardive + 3 kg/ha de dactyle tardif 

(Fourrages mieux) 

  • 19 kg/ha de luzerne « type nord » + 5 kg de fléole des prés  

Attention, pour les semences pré-inoculées augmenter la densité de 15-20 %