La monotraite chez les bovins laitiers

La monotraite chez les bovins laitiers

Damien Counasse - Auteur technique

Introduction

La pratique de la monotraite reste aujourd’hui anecdotique en Wallonie. Très pratiquée dans d’autres pays comme l’Irlande ou la Nouvelle-Zélande, on voit de plus en plus d’élevages en agriculture biologique notamment en France qui s’y mettent sérieusement. 

Il est aujourd'hui possible de se projeter sur la faisabilité technique et économique de la monotraite. 

Les différentes pratiques de la monotraite 

Chacune aura un objectif différent :

  • Monotraite du dimanche : objectif = alléger le travail d’astreinte du week-end.
  • Deux mois pendant l’été : objectif = pallier au manque de fourrages. En période sèche, cette technique permet de réduire les besoins du troupeau et d’éviter ou retarder la distribution de fourrages conservés. La production laitière a tendance à baisser en été (surtout des années sèches). En-dessous d’un certain volume de lait produit par vache, il peut être pertinent de se questionner sur l’intérêt de deux traites par jour. Surtout si on considère le temps de travail, les consommations d’eau et d’électricité ramenés aux litres de lait produit par vache.
  • 4 mois au printemps : objectif = limiter la perte d’état des vaches et assurer la reproduction en début de lactation. La montraite dans ce cas permet d’écrêter le pic de lactation, limitant ainsi la perte d’état. Cette pratique est surtout utilisée dans des élevages travaillant en vêlages groupés (voir la fiche technique dédiée)
  • 2 mois en fin de lactation : objectif = tarir progressivement les vaches arrivant en fin de lactation et dont la production laitière est plus faible (idem vêlages groupés). 
  • Monotraite toute l’année : objectif = peut permettre de se libérer du temps et éviter de devoir recourir à de la main d’œuvre salariée.

Enfin, quelque soit l'objectif premier, la monotraite permet de faire pâturer les troupeaux dans des parcelles plus éloignées et ainsi augmenter la surface « pâturable » de la ferme.

Les effets de la monotraite

La monotraite a des effets positifs sur le temps de travail de l’éleveur certes mais aussi sur le troupeau et il est nécessaire de bien les appréhender. Ces effets sont généralement variables d’une vache à l’autre, les capacités d’adaptation sont donc différentes d’un animal à l’autre.

1. Sur la production et la composition laitière

La production baisse de 20 à 30%. Cette baisse est liée à l’effet de la diminution de la stimulation de la mamelle. Elle est variable selon la race et la vache mais plus marquée chez les primipares et chez les vaches à faibles taux. Appliquée pendant quelques mois sur des vaches en début de lactation, la monotraite aura un effet rémanent après son arrêt, avec une perte de plus ou moins 10% sur la suite de la lactation.

En revanche cette pratique augmente les taux par « concentration » du lait. Les taux butyreux +2.8 g/kg en moyenne et +1.5 g/kg pour les taux protéiques. Sur la composition fine du lait (MAT, protéines solubles, pH du lait) on n’observe pas de différence.

2. Sur la qualité du lait et l’état sanitaire de la mammelle

La monotraite est un facteur de risque par rapport au taux cellulaire. Le mois suivant le changement il y a fréquemment une augmentation des comptages celullaires. Cette augmentation est d’autant plus importante que le troupeau a déjà un niveau cellulaire élevé. Il est préconiser d’envisager la monotraite sur un troupeau sain, c’est-à-dire inférieur à 200 000 cellules/ml. Dans des troupeaux sains la situation revient ensuite à la normale. Les mammites ne sont pas plus fréquentes mais plus difficiles à soigner. En effet, par la bi-traite on effectue une vidange plus régulière de la mamelle qui permet d’assainir grâce à l’évacuation des germes qui causent le phénomène inflammatoire.

3. Sur la reproduction

La monotraite améliore la fertilité et la fécondité. Les vaches sont moins sollicitées pour leurs besoins de production, le déficit énergétique de début de lactation est moins accentué et la perte d’état plus modérée.

4. Sur la transformation fromagère

Le temps de prise de caillé augmente (+ 2 min) et le rendement fromager (+450 g de fromage/100 kg de lait) sans modifier la fermeté du caillé.

Mise en œuvre

La monotraite est facile à mettre en œuvre et réversible. Il n’est pas nécessaire de « préparer » ses vaches à la monotraite. 

La suppression de la traite peut-être immédiate, sur tout le troupeau, quelle que soit la répartition des vêlages. Le premier jour de monotraite il est préférable de ne pas être près du troupeau à l’heure de la traite que l’on saute. Les vaches meugleront quelques jours, puis s’habitueront (24-48 h).

Commencer avec la monotraite sur une courte période permet de tester cette pratique en gardant la possibilité de revenir à vos habitudes de traire deux fois si le taux de cellules pose problème ou si la production chute drastiquement.

En résumé

AVANTAGES

INCONVENIENTS

Réduction du temps de travail (-17% de temps passé sur l’atelier lait en monotraite continue)Baisse de la production laitière de 20-30%
Plus grande souplesse d’organisationRisque d’augmentation du taux de cellules dans le lait
Augmentation des taux butyreux et protéique (+2.8 g/kg pour TB et + 1.5 g/kg pour TP)Mammites plus difficiles à soigner
Meilleur état d’engraissement des vachesSi monotraite > 8 semaines, production pénalisée même après la reprise à 2 traites (10%)
Baisse de l’ingestion des vaches (de 5 à10%)Ration à adapter/rationner
Pratique réversible 
Auteur de la synthèse technique: Damien Counasse, conseiller technique Biowallonie