Lutte contre les adventices vivaces: Rumex
Introduction
Le rumex est l’une des mauvaises herbes les plus problématiques en prairies, et il est également très présent dans les cultures. Du fait de son important développement foliaire et racinaire, il est très concurrentiel vis-à-vis de la culture ou de la prairie, ce qui peut engendrer de fortes diminutions de rendement. Sa lutte est rendue compliquée par son grand potentiel de multiplication et par sa faculté à résister aux tentatives de régulation. Il représente un véritable défi pour les agriculteurs bio…
Il se développe principalement sur des sols frais, argilo-limoneux ou silico-argileux, de préférence acides et dans les sols compactés. Dans ce type de sol, un pied peut produire jusqu’à 60.000 graines par an, sachant que leur pouvoir germinatif est supérieur à 95% et que la durée de vie de la graine peut atteindre 70 ans selon les conditions climatiques.
Le rumex possède également la faculté de se multiplier par ses racines (même fractionnées) du fait de la forte quantité de réserves nutritives accumulées dans celles-ci.
Identification et description botanique
Les rumex sont des adventices vivaces de la famille des Polygonacées, particulièrement problématiques en agriculture biologique. Deux espèces dominent dans les cultures belges :
- Rumex crépu (Rumex crispus)
- Rumex à feuilles obtuses (Rumex obtusifolius)
Ces espèces se caractérisent par leurs feuilles en rosette et leurs inflorescences en épis dressés.

Biologie et multiplication du rumex
Multiplication par graines

- Production importante de graines (jusqu'à 40 000 par pied)
- Dissémination par le vent, l'eau, les animaux et les outils agricoles
- Longévité des graines dans le sol : plusieurs décennies
- Point critique : Une hampe florale coupée peut encore produire des graines viables
Multiplication par les racines
- Rumex crépu : Racine pivotante pouvant atteindre 2 mètres de profondeur avec présence de bourgeons dormants sur les 4-5 premiers centimètres
- Rumex obtus : Racine pivotante avec bourgeons dormants sur les 7-8 premiers centimètres
- Forte capacité de régénération à partir des fragments de racines
- Reconstitution rapide des réserves racinaires

Conditions favorables au développement
Facteurs pédoclimatiques belges
- Sols humides et riches en matière organique
- pH légèrement acide à neutre (6,0 à 7,5)
- Sols compactés favorisant l'implantation
- Climats tempérés océaniques typiques de la Belgique
- Périodes de stress hydrique des cultures concurrentes
Facteurs agronomiques
- Apports organiques non compostés
- Surpâturage des prairies
- Rotations courtes avec céréales dominantes
- Travail du sol inadapté (fragmentation des racines)
Monitoring: Périodes de surveillance
- Printemps : émergence des rosettes (stade optimal d'intervention)
- Été : contrôle avant montaison
- Automne : évaluation de l'efficacité des interventions
Stratégies de lutte en agriculture biologique
1- Mesures préventives
La propagation intervient surtout par dissémination des graines par l’homme (les outils) et les animaux.
Gérer correctement ses fumiers et composts.
- Préférer les composts aux fumiers, le compostage du fumier élimine la majorité des graines
- Favoriser des fumiers ou composts homogènes et bien décomposés, afin d’optimiser la répartition sur la parcelle
- Une mauvaise répartition peut recouvrir les plants et les étouffer. Il y a également un risque de brûlure en cas de sécheresse, provoquant des lacunes qui permettent aux rumex de se développer.
Faucher au bon moment et dans de bonnes conditions.
- Collecte et élimination des graines : écimage avant montée en graines
- Faucher les rumex avant l’apparition de la hampe florale, éviter les fauches tardives des prairies augmentant le risque de dissémination des graines.
- Eviter les coupes trop rases par des machines de récolte réglées trop bas. Respecter une hauteur minimale de 5-7mm lors de la fauche afin d’assurer la repousse rapide des plantes fourragères. De plus, la plupart des plantes fourragères souffrent davantage d’une coupe trop basse que le rumex, car ce dernier possède de solides réserves dans les racines et donc une grande aptitude à la repousse.
Eviter des dégâts de pâture et des vides dus au cheptel
- Ceux-ci fournissent des conditions de germination idéales au rumex. Il faut donc également veiller à limiter les dégâts dus aux passages et patinages des tracteurs et engins, en particulier sur les pentes et dans des conditions humides.
- Eviter de faire pâturer une prairie temporaire trop longtemps (3 ans maximum) surtout si celle-ci n’est pas suffisamment drue ou si les conditions climatiques ne sont pas bonnes (trop sec ou trop humide). Préférer un affouragement en vert ou un ensilage le cas échéant.
- Faucher les refus, y compris les inflorescences : par prudence, les ramasser et les exporter hors de la parcelle afin que le rumex n’ait plus de possibilité de maturation ultérieure.
Prévenir l’apparition du rumex dès l’implantation des prairies.
- Optimiser la densité de semis afin d’obtenir des prairies denses et vigoureuses, limitant le développement des rumex.
- Préférer l’implantation de prairies par un semis sous couvert d'avoine et ou d'orge à un sol nu.
- Eviter le salissement des parcelles par le transport de graines via les outils.
- Arracher manuellement les premiers pieds de rumex après le semis, afin d’éviter de nouvelles multiplications.
Triage rigoureux des semences avant utilisation
Nettoyage des outils et matériels agricoles entre parcelles
Faux-semis
Application de la technique du faux-semis pour épuiser le stock semencier, particulièrement efficace sur jeunes plantules.
2- Lutte mécanique
Le stade plantule est la période la plus favorable. A ce stade, le travail du sol et le désherbage permettent de déraciner le rumex en entier. La pratique du faux-semis est donc à favoriser. Au stade adulte, il faut extirper les racines entières pour les remonter à la surface. L’idéal est de les ramasser, sinon les laisser se déshydrater sous l’action du soleil et du vent.
En cas de déchaumage, choisir des outils à dents incurvées vers l’avant et équipés d’ailettes ou de socs à pattes d’oies, propices au sectionnement des racines en profondeur. Pour un maximum d’efficacité, les ailettes et socs doivent être entièrement recouverts et l’opération doit être répétée 2 à 5 fois, suivant l’objectif fixé.
Outils et techniques recommandés
- Déchaumeur scalpeur avec recouvrement maximal (50%)
- Extracteurs de racines (Dina-drive, Vario digger, Kvik finn)
- Pré-fissuration avec dents droites pour faciliter l'extraction
- Extraction manuelle possible jusqu'à 0,25 rumex/m² (source FIBL)
Conditions d'intervention optimales
- Période : conditions chaudes et séchantes
- Stade optimal : 6 à 8 feuilles ou stade boutons floraux
- Principe : éviter absolument le fractionnement des racines, donc éviter les déchaumeurs à disque et à fraise.
- Objectif : extraire la souche avec 10 cm de racine par sécurité + faire dessécher les racines extraites (au besoin remuer les racines extraites en surface)
Techniques complémentaires
- Décompactage pour limiter les conditions favorables
- Cultures sarclées permettant des binages répétés
- Désherbages mécaniques thermiques sur jeunes plantules
Robotique en cultures spécialisées pour interventions de précision
3 - Gestion par la rotation et les cultures
Cultures défavorables au rumex
- Principe: succession de cultures concurrentielles sur 2 années minimum
- Chanvre : effet d'ombrage et de concurrence
- Sarrasin : croissance rapide et couverture dense
- Céréales à paille haute : seigle, orge d'hiver
- Cultures binées : permettant des interventions répétées
=> ATTENTION: la luzerne et les prairies temporaires ne diminuent pas la pression en Rumex
Intercultures spécialisées
- Radis chinois : action de décompactage et concurrence (effet dépressif lors de la germination des graines)
- Choux moellier et choux 1/2 moellier (ex : Protéor)
- Semis précoce (juin-juillet)
- Maintien jusqu'en fin d'hiver (début floraison)
- Destruction minimum 1 mois avant culture suivante
- Densité : 5 kg/ha en pur, possible en association (par exemple avec 5 à 10 kg/ha de trèfle d'Alexandrie monocoupe)
Stratégie de rotations
- alterner les cultures d'hiver et de printemps, voire intégrer une culture d'été afin de travailler le sol en interculture, optimise la gestion des rumex en empêchant les racines de reconstituer leurs réserves
- rotations longues et diversifiées (6-8 ans minimum)
Stratégies spécifiques par niveau d'infestation
Infestation faible à modérée (jusqu'à 0.25 rumex/m²)
- Extraction manuelle ciblée
- Désherbages mécaniques classiques
- Cultures concurrentielles
Infestation forte (>0.25 plant/m²)
- Rotation longue et diversifiée (3-4 ans minimum)
- Combinaison de toutes les techniques mécaniques
- Travail du sol répété en conditions favorables
Recommandations spécifiques pour la Wallonie
- Travail du sol en période sèche pour remonter les racines
- Implantation tardive de l'interculture (fin août à septembre)
- Scalpage en mai au stade 4-7 feuilles
- Privilégier les interventions lors des périodes sèches (juillet-août)
Tenir compte des sols lourds wallons nécessitant un décompactage préalable
==> Incompatibilité : tous les moyens ne sont pas cumulables en présence de plusieurs vivaces
Exemples:
- la luzerne maîtrise le chardon et le laiteron
- la fragmentation des racines avec une fraise n'est possible que pour le laiteron des champs
==> voir fiche sur la lutte contre chardon des champs
==> voir fiche sur la lutte contre le laiteron des champs
Remarque: La structure de cette fiche a été améliorée grâce à une IA. Tous les contenus restent produits et validés par un expert.