Parasitose digestive des ovins et caprins: la vermifugation raisonnée

Parasitose digestive des ovins et caprins: la vermifugation raisonnée

François Claine - Auteur scientifique
Auteur scientifique

Tous les animaux sont soumis à une pression parasitaire (à l'herbe et/ou en bâtiment selon l'âge et le type de conduite). Les jeunes animaux se distinguent par leur sensibilité plus importante au parasitisme que les animaux adultes parce qu'ils n'ont pas l'expérience de cette confrontation avec le(s) parasite(s). Ils sont donc naïfs.

Parasitoses, un impondérable de l'élevage 

 Les jeunes animaux sont de facto soumis à une pression parasitaire:

  • en bergerie avec la coccidiose. dont les contaminateurs naturels ne sont autres que les parents qui eux supportent les parasites (immunité forgée avec le temps)
  • En prairie, vers ronds, vers plats, et douves.... ont un cycle de vie qui dépend en partie du milieu végétal et seront donc ingérés par les animaux et parasiteront leur système digestif.
Image
Alt text
Nom
Cycle simplifié des nématodes entomopathogènes - INRA 2014
Source
Copyright
igure 1: cycle biologique simplifié des nématodes digestifs (INRA 2014).

C'est quoi la vermifugation raisonnée?

Raisonnée = Justifiée

Cela signifie que l'on vermifuge si et seulement si on observe conjointement : 

  • des signes d'infestation parasitaire 
  • ET, un degré important d'infestation du troupeau 

En effet l'approche thérapeutique collective est injustifiée car elle ne permet pas la gestion d'une population refuge contaminée mais résiliente. 

Comme l'explique Vincent Negny dans son article (voir bibliographie) "Un refuge est une population de parasites non soumise à l’action de l'antiparasitaire (donc non sélectionnée) lors d’un traitement. Il est donc constitué par les larves présentes sur les pâtures et les adultes présents chez les animaux non traités. Ces refuges permettent une dilution des organismes résistants sélectionnés lors du traitement pour qu’ils demeurent en faible proportion et préservent ainsi l’efficacité de l'antiparasitaire. Ce refuge sera donc faible si l’on traite tous les animaux d’un lot en même temps et à un moment où peu de larves sont présentes sur les parcelles (sortie d’hiver, sécheresse, traitement suivi du passage sur une parcelle saine : le « dose and move »)." 

Le traitement sélectif des individus permet quant à lui de maintenir une infestation modérée dans le troupeau par des larves issues de populations sensibles aux vermifuges.

Raisonnée = Ciblée

L'approche thérapeutique collective est injustifiée du fait que la grande majorité des parasites est hébergée par une petite fraction du troupeau ET que la sensibilité au parasitisme  est variable en fonction des individus.

Dans l'approche thérapeutique avec gestion d'une population refuge, le traitement sélectif des animaux permet de maintenir une infestation modérée dans le troupeau par des larves issues de populations sensibles aux vermifuges.

La vermifugation raisonnée aura des résultats à plus ou moins long terme en fonction de l'état du troupeau et de la présence de populations refuges.

3 facteurs de succès

F comme Fréquence

Un rythme de vermifugation soutenu entraîne inéluctablement le développement de mécanismes de résistance auprès des populations parasitaires. Les populations de parasites résistants deviennent majoritaires dans l'environnement et compromettent à terme l'efficacité des substances actives. La sensibilité des animaux aux parasitoses digestives augmente alors. 

C comme Contrôle d'efficacité

Contrôler l'efficacité d'un traitement est indispensable. Il se fait par un test de réduction d'excrétion fécale pour vérifier l'efficacité des molécules employées.

D comme Dilution

Par dilution on entend diluer la quantité de parasites auxquels risquent d'être exposés les ovins/caprins.

Cela peut se faire via: 

  • la diminution de la charge à l'hectare
  • des rotations sur les parcelles
  • faire pâturer les animaux de 1ere année sur des zones différentes des adultes plus âgés
  • le pâturage mixte avec d'autres espèces d'herbivores

 

Image
Alt text
Nom
schéma infestation pression sélection (source Vincent NEGNY et GDS BFC, d’après Ravinet et al., 2017)
Source
https://www.gdsbfc.org/actualites/raisonner-ses-traitements-anthelminthiques-dans-la-lutte-contre-les-strongles-gastro-intestinaux.html
Copyright
schéma 2: gestion différenciée du parasitisme digestif via l'entretien d'une population refuge (GDS Bourgogne d'après Ravinet et al. 2017)

Construire une résilience

Ménager la résilience d'un troupeau c'est possible.

Mais résilience n'est pas résistance !

Il faut garder à l'esprit que les parasitoses digestives sont des pathologies d'accumulation, et donc quelque soit la résilience du troupeau, lorsque l'infestation est trop importante les préjudices apparaitront et un traitement allopathique ciblé des animaux atteints sera nécessaire.

Ainsi, un mouton (et une chèvre dans une certaine mesure) pourront progressivement arriver à supporter un certain degré de présence de parasites dans son système digestif sans préjudice pour l'animal et sa production. a savoir pas de signe clinique et pas de baisse de ses performances (gain quotidien moyen, production laitière..).

Le profil de résilience croît de manière annuelle comme le montre le suivi de l'étude menées à l'ARSIA. La figure présente sur 3 années, le pourcentage de troupeau et le nombre de vermifugations annuelles opérées (fréquence) sur des animaux de 2ème année de pâture et +.

Sur les 3 années d'observation, on voit clairement une augmentation en 3eme année du pourcentage des animaux de recevant qu'un seul traitement annuel. et une diminution des animaux recevant 2 traitements à l'année. 

Image
Alt text
Nom
Figure 3 : Evolution du pourcentage des troupeaux de petits ruminants suivis dans le cadre de l’abonnement parasitaire de l’ARSIA selon la fréquence de vermifugation annuelle des individus de 2 ans et + (2020-2022) - Crédit Arsia
Source
Arsia.be
Copyright
Figure 3 : Evolution du pourcentage des troupeaux de petits ruminants suivis dans le cadre de l’abonnement parasitaire de l’ARSIA selon la fréquence de vermifugation annuelle des individus de 2 ans et + (2020-2022)

 

Traitements naturels de gestion - les alternatives

Les solutions dîtes alternatives aux produits antiparasitaires allopathiques restent encore aujourd'hui à valider à grande échelle. Elles ne remplacent pas ces derniers. Elles doivent être donc considérées comme des outils de prévention du risque parasitaire, non comme un socle thérapeutique.

Leur usage relève de pratiques empiriques à approuver. Voici quelques lignes directrices pouvant vous aider dans vos choix : 

  • La terre de diatomée n'exerce aucune activité larvicide et/ou adulticide. Mélangée à l’aliment elle se retrouve au fond du bac et en cas d'ingestion sédimente dans le rumen sans voyager vers les autres segments du tube digestif. 
  • Certaines huiles essentielles  administrées par voie orale (diluée à une huile végétale, ou intégrée aux bassins/seaux à lécher) sembleraient augmenter la résilience des ovins et caprins. MAIS: 
    • Ce ne sont que des retours isolés non vérifiés statistiquement (retours d'éleveurs).
    • La présence de métabolites secondaires (dérivés des huiles essentielles) dans le lait et/ou la viande n'est pas connue (identité et rémanence des métabolites inconnues).
  • Les tanins : Ces polyphénols contenus dans certaines essences végétales (noisetiers, châtaignier, aubépine, tanaisie...) administrés sèches ou en vert.
    • A noter que ces constats sont observés chez des éleveurs caprins exclusivement avec parcours boisés. Or les chèvres on un attrait indéniable vers arbres et arbustes par rapport à l'herbe. Il pourrait s'agir d'un effet de moindre exposition. (Retour de terrain non vérifiés statistiquement).
    • Des études récentes chez les ovins, ont montré que l'utilisation de pellet de sainfoin dans l'alimentation n'a pas montré d'effet significatif (réduction du degré d'excrétion parasitaire). Essais réalisés au CIIRPO, dans le cadre du projet Paralut piloté par le Centre Départemental d’Élevage Ovin (64) et financé par la région Nouvelle-Aquitaine.
  • Le vinaigre de cidre: connu comme cocciodiostatiques chez les lapins, 
    • Chez les caprins n'a pas montré d'effets identiques dans les concentrations testées (<1%) 
    • Son effet sur les ovins n'est pas connu.
  • Les particules d'oxyde de cuivre: disponibles sous forme de bolus à administrer aux ovins, ont montré depuis plusieurs années un réel effet anti-Haemonchus connus pour résister aux traitements conventionnels. 

 

Sources: les observations non répertoriées en bibliographies sont issues des observations de terrain de l'ARSIA dont vous pouvez retrouver les résultats principaux dans les rapports d'activité de l'ARSIA 2023 et 2024