Mélanges multi-espèces pour prairies

Mélanges multi-espèces pour prairies

Damien Counasse - Auteur technique
Patrick Silvestre - Auteur technique

Introduction 

Les possibilités de mélanges d’espèces sont nombreuses, pour obtenir des résultats agronomiques et économiques optimisés, il est important de faire des choix cohérents avec le contexte de l’exploitation et de la parcelle même. L’implantation de certains mélanges conduit parfois à des échecs à cause d’une mauvaise vue globale de son système.

Notez qu'un mélange multi-espèces est aussi plus résiliant au dérèglement climatique.

Critères de choix d'un mélange approprié

En agriculture biologique le choix d’un mélange approprié se fait sur base de 5 critères :

  1. Durée d’utilisation du mélange

Pour qu’un mélange exprime le maximum de son potentiel sur toute sa durée d’utilisation, il est prioritaire de choisir des espèces avec une pérennité correspondante. En général, les espèces à implantation rapides ont une pérennité plus faible (ray-grass d’Italie, ray-grass hybride, trèfle violet, hybride) alors que les espèces à implantation lente reste en place longtemps (dactyle, fétuque, fléole des prés, paturin des prés…).

Pour raisonner de manière objective, la durée d’utilisation doit prendre en compte essentiellement le nombre d’hivers que va passer la prairie. C’est le facteur limitant pour certaines espèces qui puisent dans leurs réserves pour passer l’hiver, voire meurent. Cela veut dire que si un mélange est implanté à l’automne, cela compte déjà pour une année. C’est également une fausse bonne idée de vouloir prolonger la durée d’utilisation d’un mélange au-delà de ce qui est prévu, car les coûts fixes liés à la prairie restent identiques pour une productivité moindre. Il faut retourner une prairie temporaire quand cela fait mal au cœur !

  1. Type d’utilisation du fourrage produit

Le type d’utilisation donne également les lignes directrices pour la composition du mélange. En pâturage, on va choisir des espèces qui sont résistantes au piétinement (ray-grass anglais, trèfle blanc, paturin des prés) et limiter le dactyle, la fétuque élevée moins appétant et le ray-grass d’Italie très remontant. Pour une récolte en ensilage, les graminées de qualité et les trèfles apportent du sucre et de la protéine en bonne quantité avec peu de pertes de feuilles. En récolte en sec, limitez au maximum le trèfle violet qui à une grosse tige et éviter les variétés tétraploïdes.

Le ray-grass d'Italie n'est pas recommandé car sa remontaison (plusieurs floraisons) est rapide (surtout par temps sec) ce qui diminue la valeur du fourrage et provoque un semis spontané. Le ray-grass d'Italie devient alors une adventice difficile à maîtriser dans la rotation.

  1. Conditions pédoclimatiques de la parcelle

Le régime hydrique conditionne fortement le type de flore à implanter sur une parcelle. Avec un bon régime hydrique : favorisez le ray-grass. Pour les sols séchants, on incorpore plus de dactyle et fétuque élevée. Le pH et la profondeur sont importants aussi. La luzerne exige des sols profonds à pH neutre, alors que le lotier s’adapte bien sur les sols superficiels.

  1. Intensité d’exploitation

Certaines espèces supportent mal des fauches ou pâturages trop répétés, voire des fertilisations trop soutenues. Les légumineuses se développent moins lorsqu’il y a des apports réguliers de lisier rendant les graminées très concurrentielles. La luzerne peut être exploitée jusqu’à 5 fois sur l’année, à condition de lui laisser reconstituer ses réserves. Le lotier ne restera implanté durablement que si la prairie est gérée de manière extensive.

  1. Semences biologiques

La priorité est l’utilisation de semences biologiques lorsque la variété souhaitée est disponible. En fonction du niveau de disponibilité de l’espèce, une dérogation peut être demandée et accordée ou non avant le semis pour l’utilisation d’une variété plus adaptée à l’exploitation.

  • Niveau 1 : autorisation exceptionnelle
  • Niveau 2 : dérogation individuelle
  • Niveau 3 : notification obligatoire

Mise en Œuvre 

  1. Le travail du sol 

=> Si les conditions le permettent, semis sur travail de sol simplifié: 

  • un travail du sol superficiel (<8cm si peu de vivaces présentes) 
  • 3 semaines avant le semis afin de faire germer les graines d’adventices et de céréales rejetées par la moissonneuse. 

=> S’il n’y a pas suffisamment de temps ou que les conditions météo ne sont pas propices à un travail du sol de bonne qualité (trop sec ou trop humide): 

  • labour à faible profondeur (15 cm) permet de gagner du temps en éliminant directement les repousses. 

Points d'attention:

  • si on a des problèmes de rumex (obtus) dans une parcelles un premier passage de déchaumeur avec ailettes doit être effectué à une profondeur de 10-12 cm minimum 
  • Le travail du sol ne doit ni être trop grossier (mauvais contact sol-graine) ni trop fin (risque d’érosion). L’usage d’outil animé (herse rotative) n’est donc pas toujours nécessaire, un travail du sol sur 5 cm de profondeur est souvent suffisant.
  • Avant le dernier travail du sol, on peut en profiter pour faire un apport d’engrais de ferme sous forme de fumier composté jeune (15 T/ha) ou de lisier bien dilué (10-15 m³/ha) pour donner un coup de pouce pour l’implantation pour les jeunes plantules. 
  • En cas d’implantation d’un mélange à dominance de luzerne, on en profitera plutôt de faire un apport de chaux pour maintenir un bon pH et assurer la nutrition en calcium pour l’année suivante.
  1. Type de semis 

De manière générale, le semis des prairies se fait à faible profondeur (1 cm). Les semis plus superficiels favorisent plutôt une bonne implantation des légumineuses comme le trèfle blanc contrairement aux semis plus profonds qui favorisent plutôt les graminées.

En ligne ou à la volée ? 
Pour des mélanges de courte durée avec des espèces à implantation rapide le semis en ligne convient bien, mais également lorsque les conditions sont très sèches car on peut plus facilement aller rechercher un peu d’humidité dans le sol.

Les intérêts du semis à la volée (avec un léger recouvrement) sont plus marqués pour des mélanges de longue durée contenant des espèces à implantation plus lente. Pour les prairies à destination du pâturage, le semis à la volée est avantageux pour la formation rapide d’un gazon dense. Il est aussi plus facile de maintenir une profondeur de semis faible, ce qui avantage les légumineuses et les graminées à petites graines.  Ces avantages sont conditionnés par une humidité de sol suffisante.

Rouler le semis en conditions de sol suffisamment ressuyé (aussi en profondeur) permet un meilleur contact sol-graine et permet de faire remonter l’eau par capillarité en condition sèches. Il faut alors un rouleau suffisamment lourd (min 400 kg/mètre). Cela limite aussi le risque de dessèchement des plantes. Rouler le semis est plus important qu’une préparation fine du sol !

Exemples de prairie temporaires

Image
Alt text
Nom
Mélange luzerne-dactyle-fétuque élevée - Crédit PSI Biowallonie
Source
Copyright
Luzerne + Dactyle + Fétuque
Image
Alt text
Nom
Mélange Ray-grass anglais + Trèfle blanc + Trèfle violet - crédit Biowallonie
Source
Copyright
Ray-grass Anglais + Trèfle blanc + Trèfle violet
Image
Alt text
Nom
Prairie temporaire pour ensilage - sol sec et humide - crédit Biowallonie
Source
Copyright
Prairie temporaire pour ensilage sur sol sec et humide 

Propositions de mélanges pour prairies temporaires >3ans

  1. Critères de choix dans les espèces

Pour établir les tableaux de mélanges décris ci-après nous avons orienté nos choix vers les espèces suivantes: 

  • Fétuque élevée tardive à feuille souple 
  • Dactyle tardif 
  • Ray-grass Anglais (RGA) (pas de précoce)
  • Ray-grass hybride Anglais (RGH/A) 
  • Ray-grass hybride typé Italien (RGH/I)
  • Ray-grass hybride mixte (RGH/M) (entre Anglais et Italien) 
  • Fléole des prés
  • Fétuque des prés 
  • Lotier corniculé 
  • Trèfle violet 2n (diploïde)
  • Trèfle violet 4n (tétraploïde)
  • Trèfle violet 2n à port étalé (pâturage; ex : Pastor)
  • Trèfle blanc géant 
  • Trèfle hybride 2n  (pmg idem trèfle blanc, moins météorisant que les autres trèfles, pauvre en phyto-œstrogènes) 
  • Luzerne (type Flamande). Il existe également des variétés à port étalé, tiges fines à semer en mélange
  1. Les mélanges proposés 

Comment lire les tableaux: Chaque tableau correspond à 1 objectif de production différent. 

  • 1ere étape: choisissez votre objectif de production et aller au tableau correspondant
  • 2eme étape: placez-vous dans la colonne correspondants aux critères de votre parcelle (terrain normal, vite sec, sec et humide ou humide), 
  • 3eme étape: lisez verticalement les densités de semences à prévoir par hectare pour votre mélange.
  • 4eme étape: Certains cas proposent 2 variantes pour une même densité de semis de 30 kg à l'hectare. Attention à bien lire dans la même colonne de droite ou de gauche.

La situation "sec et humide" peut présenter 2 situations : Sec ou humide en fonction de la saison (souvent terrain argileux et ou schisteux) ou alors des zones sèches (sol superficiel) et des zones humides dans la même parcelle. 

Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie temporaire - objectif de production d'ensilage à 40% de légumineuses
Source
Copyright
Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie temporaire - objectif de production de foin à 33% de légumineuses
Source
Copyright
Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie temporaire - objectif pâture puis 1 coupe à 40% de légumineuses
Source
Copyright
Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie temporaire - objectif 2 coupes puis pâture à 40% de légumineuses
Source
Copyright
Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie temporaire - avec une base de luzerne
Source
Copyright

 

Propositions de mélanges pour prairies permanentes

  1. Critères spécifiques aux prairies permanentes

En prairie permanente le trèfle utilisé est à petite graine, donc le pourcentage en poids de semences plus faible ne signifie pas nécessairement moins de trèfle. De plus, en prairie pâturée la végétation plus courte le favorise.

  • Trèfle violet 2n étalé Pastor : Renseigné pour prairie permanente avec une pérennité due à du repiquage et du semis spontané qui peut être provoqué. Apprécié en Suisse et en France.
  • Trèfle blanc intermédiaire : possibilité de mettre 2 variétés avec par exemple des ports différents. Sa densité de semis n'est pas à mettre en relation avec une densité de peuplement car il est explosif.
  • Ray-grass Anglais : travailler avec de l'intermédiaire et ou du tardif

Une prairie permanente performante uniquement fauchée n'est pas une situation recommandée. Sa flore va changer après 4-5 ans pour souvent laisser place à des espèces concurrentielles (rhizome, allélopathique, par semis spontané (pâturin annuel)) qui s'adaptent bien au milieu et moins productives. Dans les situations où il n'est pas possible de pâturer (un pâturage uniquement de fin de saison n'aura pas le même effet positif que le pâturage apporte en temps normal), un sur-semis tous les 4-5 ans est conseillé avec un griffage énergique.

Idéalement, une prairie pour se pérenniser doit être de type pâturée ou mixte (fauche + pâture).

 

  1. Les mélanges proposés 

Comment lire les tableaux: voir précédemment

Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie permanente - objectif pâture puis 1 coupe - 15% de légumineuses
Source
Copyright
Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie permanente - objectif 2 coupes puis pâture - 30% de légumineuses
Source
Copyright
Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie permanente - objectif de production d'ensilage - 25 à 30 % de légumineuses
Source
Copyright
Image
Alt text
Nom
Mélange pour prairie permanente - objectif de production de foin - 25% de légumineuses
Source
Copyright

 

Source: tous ces mélanges sont le fruit des retours de terrains des conseillers techniques de Biowallonie