Les alternatives à la vitamine B2 de synthèse dans l'alimentation des volailles
Les alternatives à la vitamine B2 de synthèse dans l'alimentation des volailles
|
- Auteur |
Introduction
En nutrition animale, des additifs sont ajoutés aux aliments pour garantir une nutrition optimale, qui vient répondre à leurs besoins physiologiques et de production. La vitamine B2 (VB2), également appelée riboflavine, est un élément essentiel en alimentation. Elle intervient dans différents processus métaboliques et est synthétisée en quantité insuffisante par l’organisme.
La VB2 est une molécule indispensable à tous les vertébrés, y compris les ruminants et les monogastriques. Une carence en cette vitamine peut entraîner une diminution de la consommation d'aliments, une baisse des performances, des dermatites et des lésions cutanées, un retard du développement embryonnaire, un retard de croissance et des troubles nerveux comme la paralysie et la déformation des pattes chez les volailles.
La VB2 provient principalement de micro-organismes, en particulier de levures et de bactéries. Les ruminants peuvent couvrir leurs besoins en vitamines B grâce à la fermentation microbienne dans leur rumen, alors que les volailles et les porcs dépendent fortement d'un apport alimentaire. L’approvisionnement est d’autant plus critique en élevage de monogastriques (porc et volaille) qu’il ne leur est généralement pas donné la possibilité de consommer de l’herbe (riche en VB2) et que la synthèse endogène de la vitamine est faiblement valorisable.
Besoins en vitamine B2 des volailles
Les besoins en riboflavine des volailles varient selon la souche, l’âge, l’environnement, l’activité, la composition de l’aliment, l’état de santé et la capacité de synthèse endogène de l’animal. Ainsi, il a été montré que le besoin en riboflavine diminue avec l’âge. Les jeunes ont leurs microbiotes peu développés et ne synthétisent donc que peu de vitamine B2. De plus, la gestion des lots avec un nombre d’individus important et des conditions sanitaires non optimales vont augmenter le besoin en riboflavine.
Les apports en VB2 dans les rations alimentaires des monogastriques ont toujours dépassés leurs besoins, afin de sécuriser les apports. Les niveaux recommandés alors et habituellement appliqués pour l'ajout de riboflavine dans les aliments sont d'environ 6 mg/kg d'aliments pour les pondeuses, 8 mg/kg pour les poulets de chair et 15 mg/kg pour les poules reproductrices. Cependant, en 2019, suite à une crise dans l'approvisionnement en VB2 de synthèse destinée aux élevages biologiques, des solutions d'approvisionnement ont du être trouvées, dont le coût s'est révélé être plus élevé. Il a fallu dès lors revoir les quantités prévues dans les rations.
Dans le cadre du projet RELACS, une série d'expériences a été mise en œuvre pour définir des seuils inférieurs critiques de supplémentation, au-delà desquels la santé, le bien-être et la
et la productivité des animaux ne devaient pas être affectés. De ces expériences, il est ressorti qu'un niveau de supplémentation en riboflavine de 4 mg/kg d'aliment est possible sans mettre en danger la santé des animaux dans la production de volailles biologiques.
Dans le cadre d'essais menés au CRA-W en partenariat avec Gembloux Agro-Bio Tech, les recommandations du «National Research Council, 1994 » en terme de besoin en VB2 ont été testées sur des poulets de chair : 3.6 mg/kg d’aliment pour des individus de 0 à 3 semaines et de 3 à 6 semaines ; 3 mg/kg d’aliment pour des individus de 6 à 8 semaines. Pour la poule pondeuse, les recommandations sont de 3.4 à 3.6 mg/kg selon la souche (brune ou blanche) ; 1.7 à 1.8 mg/kg d’aliment pour des poules de 8 à 12 semaines ; 1.7 à 2.2 mg/kg d’aliment pour des poules de 18 semaines au premier œuf, selon la souche (brune ou blanche). Pour la poule stade pondeuse, la recommandation est de 3.1 mg/kg de matière sèche d’aliment. En appliquant ces doses dans les essais, aucun problème de croissance n’a été enregistré.
Richesse en vitamine B2 des matières premières
Classement entre catégorie de produits
Il ressort de la littérature que les levures sont les plus riches en VB2, suivent la poudre de lait, certaines algues (spiruline), certaines farines d’insectes (mouche soldat noire), les levures de bière, les fourrages, les coproduits des céréales et des oléo-protéagineux, les protéagineux grains et enfin les céréales.
Dans le cadre d'essais menés au CRA-W, en collaboration avec Gembloux Agro-Bio Tech, différents régimes ont été comparés à un régime de référence contenant de la VB2 conventionnelle permettant de couvrir les besoins en VB2 de chacune des 3 phases d’élevage des poulets de chair bio. Les apports en VB2 pour les régimes testés ont été réalisés par l’utilisation de luzerne, levures et poudre de lait qui sont des matières premières spécifiques riches en VB2 naturelle. Les alternatives expérimentées ont permis d’obtenir des performances zootechniques similaires au régime de référence et aucun effet négatif sur la santé n’a été observé.
Variabilité par catégorie de produit
Dans le cadre d'essais menés au CRA-W, en collaboration avec Gembloux Agro-Bio Tech, des échantillons ont été collectés en ferme et chez les fabricants et leur teneur en VB2 a été déterminée. Environ 170 analyses ont ainsi été réalisées. Par catégorie de produit, la variabilité des teneurs en VB2 est grande. Pour les céréales, les valeurs dosées sont inférieures à celles annoncées dans les tables alimentaires. La poudre de lait, les coproduits et légumineuses ont des valeurs comparables à celles des tables alimentaires.
Alternatives à la vitamine B2 de synthèse
Ajouter à la ration alimentaire de matières premières riches en VB2
Il s'agit de repenser les formulations alimentaires en incluant des matières premières riches en VB2.
Les teneurs en riboflavine d'origine naturelle des aliments peuvent être améliorées par l'apport d'ensilage et de fourrages grossiers dont la digestion par fermentation est déclenchée dans le caecum,
La VB2 peut également être ajoutée aux aliments en récoltant des vers et des insectes, bien que cela ait des limites étroites dans les systèmes d'alimentation actuels pour les porcs et les volailles (une normalisation des aliments est nécessaire pour l'approvisionnement du marché).
Les effets d'une suspension fermentée à haute teneur en riboflavine produite par fermentation avec A. gossypii (Ecovit R®) ont été étudiés dans le cadre d'un projet de recherche du FiBL en collaboration avec un fabricant allemand de levure biologique (Agrano GmbH & Co.) et financé par le ministère fédéral de l'alimentation et de l'agriculture. L'influence de doses graduelles d'Ecovit R® chez des poulets de chair à croissance lente, sur la performance et les indicateurs de santé et de bien-être a été analysé. Il en ressort que la suspension peut être utilisée à des niveaux conformes aux recommandations commerciales (4.5 mg MS/kg d'aliment) dans l'alimentation des poulets de chair. Actuellement, Ecovit R® n'est utilisé nulle part en Europe dans les aliments composés pour volailles. En effet, la Commission européenne n'ont pas pu se mettre d'accord sur son statut officiel.
L'ajout de graines germées peut également augmenter la teneur en VB2 à la ration alimentaire. La germination est un processus au cours duquel les enzymes inhibées lors de la dormance sont réactivées et d’autres enzymes sont produites. Cela conduit, entre autres, à une augmentation de la teneur en VB2 (jusqu’à 1300 % dans le cas de l’avoine). La teneur après germination varie. Elle dépend de la teneur en VB2 avant germination, de l’espèce cultivée, des conditions de germination,… Il est important d’arrêter des protocoles qui optimisent la teneur en VB2 de la graine germée.
Repenser les pratiques d’élevage
En modifiant les pratiques, (e.a. reconsidérer les souches/races utilisées, la valorisation du parcours extérieur), il est possible de rapprocher au mieux les besoins et apports alimentaires en VB2.
L'évolution génétique des souches animales modifiant les besoins en vitamines, il est possible de diminuer les besoins des volailles en VB2 en modifiant les souches/races utilisées.
En agriculture biologique, le pâturage et l'utilisation de fourrages grossiers jouent un rôle important. L'inclusion d'ensilage de trèfle a le potentiel d'augmenter la teneur en riboflavine de l'alimentation. L'utilisation de produits dérivés des prairies ou d'autres produits comme fournisseurs de vitamines B, en particulier pour l'alimentation des monogastriques dans l'agriculture biologique, semble prometteuse pour améliorer l'approvisionnement en riboflavine. En fonction de la température, de l'âge et des performances, les régimes alimentaires des volailles et des porcs peuvent contenir de 6 à 20 % d'ensilage. L'optimisation de l'usage du parcours extérieur est donc à encourager.