Légumineuses : Fixation symbiotique de l'azote et inoculation

Légumineuses : Fixation symbiotique de l'azote et inoculation

Patrick Silvestre - Auteur technique

Les légumineuses permettent de diminuer les intrants azotés et offrent un bel apport pour la culture suivante. Elles représentent une source importante de protéines, tant pour l’alimentation humaine qu’animale. Cet article est l’occasion de revenir sur la fixation symbiotique de l’azote et l’inoculation.

Fixation symbiotique de l’azote

Les légumineuses ont la particularité d’avoir deux modes de nutrition azotée. D’une part, elles sont capables d’assimiler l’azote minéral du sol et d’autre part, elles fixent l’azote de l’air grâce à une association symbiotique avec des bactéries du genre rhizobium. Chaque légumineuse s’associe avec des bactéries spécifiques. Une symbiose est une relation bénéfique aux deux partenaires. La plante, via la photosynthèse, fournit du carbone à la bactérie alors que cette dernière fixe l’azote atmosphérique et le transfère à la plante sous une forme assimilable. Ces échanges ont lieu dans des nodosités situées sur les racines. En conditions favorables, la symbiose peut assurer 80 à 90 % de la nutrition azotée de la plante. Quand une plante est cultivée dans une région dont elle n’est pas originaire, les rhizobiums ne sont généralement pas présents. Il faut alors les apporter au moment du semis sous forme d’inoculum. C’est le cas par exemple du soja, originaire d’Asie. 

La fixation symbiotique est fortement influencée par la présence d’azote minéral dans le sol. La plante va préférentiellement utiliser l’azote minéral qu’elle a à sa disposition avant de mettre en place ses nodosités. La tolérance à la teneur en nitrates varie selon les espèces. La plupart des légumineuses peuvent supporter 30 à 50 unités d’azote minérale. Au-delà de ce seuil, la nodulation est inhibée. La féverole fait figure d’exception en supportant 80 unités d’azote.

Le taux de fixation symbiotique, c’est-à-dire la part d’azote provenant de l’association par rapport au prélèvement total d’azote, diffère d’une espèce à l’autre. Le haricot a le taux le plus faible (40 %) alors que la luzerne et le trèfle peuvent atteindre un taux de 90% (tableau 1). Le faible taux de fixation symbiotique du haricot implique qu’un stock d’azote de 50 kg d’N/ha au semis est nécessaire pour permettre un bon démarrage et une croissance homogène jusqu’à la floraison.

Une bonne fixation symbiotique est influencée par de nombreux paramètres tels que les défauts de structure, le stress hydrique, l’excès d’eau, le pH du sol, le froid et les pathogènes (aphanomyces, sitones…). 

Tableau 1 . Taux de fixation symbiotique (Source : Terres Inovia)

Espèce

Taux de fixation symbiotique

Haricot

40%

Pois, pois chiche, lentille

55 à 75%

Soja

65 à 85%

Féverole, lupin

70 à 90 %

Légumineuses fourragères (luzerne, trèfle, autres)

80 à 90%

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Lupin avec ses gousses - Crédit Biowallonie
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Gousses avec graines sur une plan de Lupin

Quand observer les nodosités et en quelles quantités ?

Il est conseillé d’attendre 15 jours à 3 semaines après la levée pour observer les nodosités. Le pois aura formé la majorité de ses nodosités à la floraison. Juste avant la floraison, on doit observer au minimum 20 à 25 nodosités par plante. Dans le cas du soja, la nodulation se poursuit très tard dans le cycle. Au stade 3-4 feuilles trifoliées, il est conseillé d’avoir au moins 10 nodosités par plante.

Les nodosités sont-elles fonctionnelles ?

La couleur rosée à rouge d’une nodosité coupée en deux est la preuve de sa bonne santé et de son activité fixatrice. Quand les nodosités commencent à avoir une couleur violette puis verdâtre, cela signifie qu’elles entrent en sénescence ou qu’elles ne sont plus fonctionnelles.

Inoculation

Si la plante a été introduite dans une zone géographique dont elle n’est pas originaire, il faut apporter la bactérie dans les sols. Cette opération s’appelle l’inoculation. 

Quelles espèces faut-il inoculer ?

Dans nos régions, l’inoculation est obligatoire en soja, pois chiche, lupin et luzerne. Elle n’est en revanche pas nécessaire en pois, féverole, lentille et trèfle. 

Comment inoculer ?

Il est conseillé d’appliquer une concentration de 1 million de bactéries par graine. Plusieurs techniques sont utilisées. 

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Nodosités sur du soja inoculé en Wallonie - Crédit Biowallonie
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Nodosités sur soja inoculé en Wallonie
  • La technique la plus ancienne est d’utiliser de la tourbe neutralisée et stérilisée associée à l’inoculum. Il faut enrober les semences avec la tourbe juste avant le semis. On y ajoute un adjuvant collant.

  • Une autre technique est l’inoculation liquide sur graine. Le produit est moins encombrant que la tourbe. Cette méthode permet également de rallonger le délai entre l’inoculation et le semis (de 24h à 15 jours en fonction du produit utilisé). Les semences inoculées doivent absolument être conservées à l’abri de la lumière.

  • La dernière technique est la pré-inoculation des semences en usine. Le gros avantage est la facilité pour l’agriculteur. Le délai entre le moment où les graines sont pré-enrobées en usine et le semis doit être de moins de 60 jours. Cette technique, bien que prometteuse, doit encore faire ses preuves. On recommande de l’utiliser en inoculation de sécurité (situations où il y a déjà des populations installées dans les sols).

 

Peu importe la technique utilisée, il faut être très prudent concernant la conservation de l’inoculum car il est extrêmement sensible aux fortes températures et aux UV.

De nombreuses recherches ont été effectuées sur les inoculums en France. Les souches contrôlées et recommandées par l’Inra sont reprises dans le tableau 2.  C’est une garantie pour l’utilisateur. Les inoculums fabriqués avec d’autres souches échappent pour l’instant aux contrôles de qualité qui permettent de vérifier les concentrations des bactéries dans l’inoculum, l’absence de contaminants et la stabilité du produit au stockage. Pour l’instant, il n’existe pas d’inoculum homologué sur le pois chiche en Belgique.

Tableau 2. Souches recommandées par l’Inra

Espèce

Rhizobium

Luzerne

Ensifer meliloti souche 2011

Soja

Bradyrhizobium japonicum souche G49

Lupin

Bradyrhizobium lupini souche LL13