Stockage de légumes longue durée : principes de base

Stockage de légumes longue durée : principes de base

Céline Berger - Auteur

La conservation est basée sur le principe de réduire l'activité métabolique du légume et éviter toute propagation de maladie ou infestation afin que les légumes gardent leurs apparence, qualité nutritive et organoleptiques le plus longtemps possible.

Quelques règles en amont

La qualité des fruits et légumes que l'on veut stocker passe par quelques règles de base

Une culture maîtrisée

  • Le planning de semis ou de plantation: veiller à implanter la culture le plus tardivement en vue d'ub stockage.
  • Une fumure équilibrée:  une sur-fertilisation en azote des légumes entraîne une moins bonne conservation
  • La rotation des cultures:
    • Objectif : éviter la contamination par des pathogènes
    • Levier: éviter de cultiver trop de légumes sur une courte période dans un même champ. Cela revient à allonger les rotations.
    • Bémol: Le risque zéro n'existe pas, même en prenant des précautions.

Récolter au meilleur moment

La récolte, étape cruciale pour garantir la réussite du stockage. Le choix se fait selon différents critères en plus de la maturité.

  • Maturité du produit: Un légume qui n’est pas encore mûr aura un taux de respiration élevé, perdra du poids et se ramollira. Mieux vaut donc patienter qu’il soit « à point », c’est-à-dire lorsque le produit rentre doucement en dormance mais sans être trop vieux car il entrerait en sénescence et donc moins bien se conserver. 

    Un exception les courges et potimarrons (voir la fiche technique Potimarrons et butternut)

  • Les conditions climatiques: Un excès d'eau durant la culture et/ou des conditions humides lors de la récolte influenceront la conservation.
  • Limiter les chocs et les blessures: Moins il y en a, moins les maladies ont de chance de s’installer. L’idéal est d’employer des remorques avec tapis pour que les légumes soient déposés dans les palox petit à petit plutôt que de les lancer. 
  • Limiter le décalage de température entre la récolte et le stockage: Ne pas récolter quand il fait trop chaud sinon (i) les légumes sont eux-mêmes trop chauds, trop ‘en vie’. Cela peut impacter la teneur en sucre et  autres substances du produit. (ii) Le temps entre l’arrachage et l’entrée en frigo doit être le plus bref possible (dans l’heure ou dans la demi-journée), ils subiraient un choc thermique. Et ça demanderait au frigo trop d’énergie (surcout, durée vie du frigo). E
    • Exemple: en pomme de terre la récolte doit avoir lieux entre 10 et 18°C. 
    • Eviter également les périodes de gel.
  • Durée de stockage: 
    • L’idéal, c’est la récolte en novembre quand la température est plus basse et plus courte sera la période de conservation  ainsi la pourriture aura moins de temps pour se développer. » 
    • Conserver les légumes racines dans le sol et de les récolter au gré des besoins est possible en Belgique, bien que difficile. Notre terre est trop lourde (exception faite du panais). En terre sableuse comme dans certaines région en France, cette technique est plus couramment pratiquée.

Pré-triage

  • Objectifs : 
    • éliminer les matières organiques encombrantes (terre etc.). En légume racine on conservera toutefois une fine pellicule de terre qui réduira la transpiration et donc un ramollissement prématuré. 
    • éliminer les éléments porteurs de maladie, de ravageurs risquant de contaminer le lot
    • éliminer les éléments portant des blessures, porte ouverte à une détérioration rapide.
  • Méthodes : 
    • déterreuse
    • lavage
    • Tri - manuel (petits volumes) ou optique (gros volumes)

Eviter les chocs thermiques

  • L'entrée en frigo: après la récolte, les produits sont placés dans des frigos dont la température va diminuer petit à petit en 2 à 3 semaines. 
    • La règle: la descente par palier : D’abord 7-6°C, puis 4, puis 2 et enfin 0°C. 
    • Avantage: Respecte les produits (pas de choc thermique) et le matériel (pic d'énergie des frigo si on devait passer rapidement à 0°C.
    • Certains légumes ont besoin d'une cicatrisation après récolte. Penser à retarder de quelques heures la descente en température (oignons, courges, pomme de terre, patates douces...)
    • D'autres, comme les légumes feuilles auront besoin d'un refroidissement le plus rapide possible (laitues, pois, maïs doux, brocolis....) cela peut se faire avec une mise au froid directement soit à l'eau froide (ou eau + glace) par bain ou pulvérisation. A noter qu'un bain peut aussi être à l'origine de maladies
  • La sortie du frigo:
    • Objectif: éviter la condensation, la même logique s’applique dans l’autre sens: 
    • 2 règles à respecter: 
      • la différence T° produit / T° ambiante doit être inférieure à 7.8°C
      • la marchandise doit être bien aérée.

Objectif: réduire l'activité métabolique

L'activité métabolique se concrétise par différents aspects: 

La respiration : 

C'est un des facteurs de vieillissement. Emets du CO2, et de l'eau. 

Les légumes les plus adaptés à une conservation longue seront donc ceux qui ont un taux de respiration faible 

Elle est directement dépendante de la température. On abaisse donc la température jusqu'à la température critique pour préserver la qualité des produits. Cette température critique est différente en fonction de chaque légume .

  • Température critique haute - sensibles au froid : 7-8°C  entre autre chez les solanacées et les cucurbitacées
  • Température critique moyenne – peu sensibles au froid : 3 /4°C par exemple chez les pois et haricots, 
  • Température critique faible – très peu sensible au froid : 0/1°C exple les pommes de terre.
  • Dégradations causées par le froid : ramollissement, taches brunes, perte de saveurs

La transpiration: 

Elle est directement liée à l'humidité relative (HR) de l'environnement où le légume sur trouve. Plus l'HR est élevée plus la transpiration est limitée et donc la perte en eau des produits l'est aussi.

Les risques/dégradations liés à une trop grande transpiration et à la perte d’eau :

  • ramollissement, flétrissement, fripement.
  • La condensation résultant de la transpiration pourra être un facteur de développement de maladies.

L'émission de chaleur et de gaz:

Le processus de maturation produit de la chaleur, il sera donc important de planifier la récolte au bon moment pour éviter d’introduire dans le stockage des légumes en maturation qui viendrait émettre de la chaleur (cf § précédent).

Les gaz émis sont principalement le CO2 et l’éthylène qui, s'ils s'accumulent peuvent entrainer des détériorations (jaunissement dû au CO2..) ou l'accélération de la maturation (éthylène). Les derniers sont appelés fruits/légumes climactériques.

  • Légumes et fruits Climactériques (producteurs ET sensibles à l’éthylène) : Pommes, poires, melons, prunes, aubergines, tomates, bananes mûres, mangues, fruits de la passion, avocats
  • Légumes et fruits sensibles à l’éthylène : choux, épinards, laitues, poireaux, haricots, chicons, kiwis, carottes, panais, concombres… exposés ils jauniront et une amertume peut se développer (carottes panais)
  • Légumes moins sensibles à l’éthylène : betteraves, radis, courges

Il conviendra donc de les regrouper ou non ces produits avec ce paramètre en tête.

Dans nos régions la tomate et les asperges sont fortement émettrices d'éthylène. Il sera important de les séparer du reste des récoltes.

En fonction de la durée de stockage et des installations disponible, on pourra distancer ces produits, ou mieux, les séparer les uns des autres ou encore assurer l’évacuation des gaz hors de l’enceinte de stockage (ventilation + évent ou extracteur).

A noter que lors de stockage de courte durée, comme en magasin, l'ouverture/fermeture fréquente de la porte  permettra l'évacuation des gaz.

Les points d'attention et équipements associés

  • Températures de consigne: 

Elle est fonction des légumes à conserver (voir les conditions optimales) Généralement entre 1 et 0°C mais elle peut descendre à -1°C (poireaux, racines de chicon), voire -18°C pour des fruits lavés/triés destinés à la congélation.

Le maintient du froid est généré par un groupe froid. Dans certaines région où le climat le permet, les frigos peuvent être équiper de trappe ou de volet vers l’extérieur qui laisserait rentrer de l’air hivernal naturellement froid. Pour les légumes, le climat belge est trop doux. Il n’y a pas assez de probabilité d’avoir suffisamment de jours avec une température autour des 0°C. Ensuite, l’air extérieur pourrait être trop asséchant pour certains légumes. En pomme de terre, c’est une pratique intéressante. 

  • Agencement des installations:

=> L'emplacement du lieu de stockage sera préférablement choisi : 

  • côté nord d'un bâtiment, 
  • a l'abri du soleil et des variations de température (limitera la consommation energétique des installations frigorifiques (voir la fiche technique sur les différents types d'installations de stockage longue et courte durée)

La chaleur générée par le groupe froid peut être renvoyée vers l’intérieur de l’entrepôt, notamment à la laverie (souvent proche) ou toute autre zone dont la température peut être plus élevée.

=> Regroupements par catégories: même températures et conditions d'humidité, et si possible de même sensibilité au CO2 ou à l'éthylène. Par exemple, les fruits climactériques doivent être mis à part, dans un espace frais et couvert mais non réfrigéré. C’est là aussi que peuvent être entreposés quelques produits secs et des œufs.

=> Modalité pratiques: 

  • Le stockage se fait généralement en pallox (Caisses de 1.2m x 1.6m en format standard). Les palox sont empilés par 6 ou 7 selon les frigos et installés en rangées par lignes de deux, ET en laissant un espace d'une vingtaine de cm entre chaque bloc pour assurer la ventilation entre les 2 rangées contiguës.

    Le choix du pallox en fonction du type de produit stocké pourra varier 

    • pomme de terre : lattage peu ajouré - haut sur pied
    • courges: lattage plus aéré et empilement moindre
  • Si le stockage se fait en pile ou en tas, attention à prendre en considération la pression sur les parois des cellules de stockage. De plus, tous les légumes ne supportent pas les même pressions: 
    • oignons: max 3 -3 .6m de hauteur
    • pommes de terre: max 4.2 - 4.6m
    • choux: 2 - m
    • betteraves et carottes: 3- 4 m
  • L'agencement doit enfin permettre un contrôle régulier des frigos pour guetter l'apparition de moisissures.

 

  • Ventilation: 

Des équipements pour assurer le brassage d’air à l’intérieur du frigo sont nécessaires pour uniformiser la température et l'humidité relative dans le frigo, mais également évacuer la chaleur, le CO2 et l'éthylène produits pas les légumes.

L'objectif est d'éviter des poches de chaleur ou de condensation.

Les ventilateurs peuvent êtres installés au sol et/ou en hauteur que les locaux soient réfrigérés ou non. Un ventilateur à une extrémité comme entrée d'aire et une trappe ou évent à l'autre extrémité comme sortie.

Lors du stockage en tas ou de denrées plus compactes, la ventilation doit être assurée à l'intérieur du tas, soit à travers un réseau de conduits sous la pile, soit avec un système d’aspiration complémentaire constitué de bâches le long des rangées de palox elles forcent l’air à traverser le cœur des caisses.

  • Humidité

Importante à contrôlée pour éviter l'assèchement des légumes ou à l'inverse pourritures et maladies.

Il est courant en bio de conserver la pellicule de terre des légumes-racines afin de préserver l’humidité autour d'eux. Dans le cas où il ferait trop sec, arroser les caisses pour créer un climat moins asséchant est possible. 

Différents systèmes automatiques existent depuis la brumisation ou des systèmes de fût avec une plaque vibrante pour une humidification par ultrasons. 

  • Extracteur de CO2 

Nécessaire si les légumes stockés y sont sensibles. Chez certains stockeurs, Le COest réglé par un ventilateur qui injecte l’air frais dans le frigo. Le CO2 s’extrait de la pièce simplement en laissant la porte du frigo ouverte de 1 cm ou via une trappe.

  • Sortie de frigo : 

Un frigo intermédiaire de courte durée permettant une remontée contrôlée de la température est à envisager selon les besoins et destination des produits.

Paramètre du frigo de courte durée: T° oscille entre 6 et 7°C. équipement: ventilateur + humidificateur pour toute la pièce. 

Si les conditions ne sont pas optimales pour tous les produits, l'impact sera réduit car les légumes n’y resteront que 2-3 jours. 

  • Lavage / déterrage

Cette étape peut être réalisée à tout moment par le stockeur (s'il est équipé) ou l'agriculteur. Attention à respecter la température de consigne en cours pour éviter un choc thermique.

  • un déterreur (utilisable pour les légumes et les pommes de terre)
  • un remplisseur pour déposer les légumes et pommes de terre dans les caisses sans les abimer. L’outil permet en outre d’emballer les pommes de terre dans des big bags.

 

  • Tri / emballage

Le tri se fait généralement à la main dans les infrastructures moyennes. Il est réalisé juste avant stockage et juste avant la mise sur le marché. Il est impératif de prendre les mesures nécessaires pour éviter les choc et les blessures des légumes. Ainsi un remplisseur pour déposer les légumes et pommes de terre dans les caisses sans les abimer. L’outil permet en outre d’emballer les pommes de terre dans des big bags.

Spécificité s'appliquant au stockage de légumes Bio

Le stockage est identique au produits conventionnels. Ils peuvent se faire dans les même frigo à condition d'être identifiable sans équivoque (Pallox et/ou zone clairement définie).

Difficultés particulières pour stocker des légumes bio ?

« Non. Au niveau de la consommation énergétique, j’ai déjà observé que les carottes bio produisent plus de chaleur que les autres. Elles demandent un peu plus d’énergie pour refroidir le frigo. Elles sont parfois plus sensibles à la perte de poids. » retour d'expérience Frigo Fernelmont.